Kader Belarbi et son Corsaire

Kader Belarbi-ph. David Herrero

Kader Belarbi, dans le cadre de la saison 2016-2017 de Transcendanses, présentera au Théâtre des Champs Elysées du 20 au 22 Juin prochain sa relecture de Le Corsaire. Pendant les cinq ans de sa direction au Ballet du Capitole de Toulouse,  il a d’une part revalorisé des ballet du répertoire (Giselle, Don Quichotte) et d’autre part mis en œuvre une forte action de sensibilisation du public :  une coopération avec la cinémathèque de Toulouse qui permet d’aborder les thèmes liés à la programmation du Capitol ; les lectures musicales avec la participation de comédiens locaux, les carnets de danse organisés dans le foyer du théâtre avant les représentations avec les danseurs de sa compagnie et les laboratoires de construction chorégraphique Osons danser sont toutes des initiatives qui aujourd’hui permettent d’éduquer le public et de l’attirer dans les salles de spectacle. Les chiffres sont assez parlants (i.e. pendant les six soirées de Don Quichotte, le Théâtre du Capitol était complet) et le public peut s’attendre à de nouvelles et belles surprises.

La reprise de Le Corsaire s’inscrit dans le signe de l’engagement de Kader Belarbi pour valoriser la tradition du ballet français et le rendre vivant.

En fait, à part la forteresse luxueuse de l’Opéra de Paris, on semble aujourd’hui oublier la tradition française. Parmi les objectifs les plus importants de l’actuel directeur du Ballet du Capitole de Toulouse figure celui de travailler sur l’ancrage dans le patrimoine que représente le ballet français.

Récemment, Don Quichotte et Giselle ont été déjà repris en ouvrant un questionnement : comment se poser et regarder le ballet pour qu’il ne devienne pas un objet mécanique, plaqué et formel ? En quelques mots, comment peut-on rendre un ballet du répertoire encore vivant aujourd’hui ?

Ce sont les questions qui  tiennent à cœur Kader Belarbi, en tant que chorégraphe et Directeur du Ballet du Capitole. Sa compagnie est formée de 35 danseurs de toutes nationalités et de formations différentes : cubains, russes, mexicains, etc….

Malgré leur diversité, il arrive grâce à un travail de confiance réciproque à les forger pour qu’ils puissent incarner une vision de la danse plus vivante. Et cela commence dès le cours du matin.

Le public parisien aura l’occasion de découvrir cette nouvelle version de Le Corsaire, qui s’inspire du roman de 1814 de Lord Byron. Depuis 1856, année de sa première représentation avec la chorégraphie de Joseph Mazilier, ce ballet n’avait plus jamais été apparu sous une signature française.  Kader Belarbi se plonge dans le sujet, il analyse le roman et « il ouvre un coffre imaginaire où il repère un corsaire rouge, le pirate noir ou bien le voleur de Bagdad ». Il veut en faire un ballet cinématographique pour lui donner un sens, en allégeant la structure.

Pour concrétiser son projet,  le chorégraphe élimine les passages dédiés seulement aux variations, simples démonstrations de technique. Ensuite, il opère un gros travail à partir de la musique d’Adam : il choisit de l’enrichir avec des séquences de musiques de Massenet , Sibelius, Arenski, Lalo  et interpelle  David Coleman, directeur d’orchestre de renommée internationale, pour  créer les justes liaisons et correspondances entre les différents morceaux musicaux.

La musique devient ainsi importante et un support fondamental à la création de l’esprit dramaturgique de la pièce. Ce qui compte est de mettre en relief  et rendre compréhensible l’histoire construite autour d’un quatuor  de personnages à l’intérieur duquel il y a une triangulaire amoureuse : le sultan, le corsaire et l’esclave autour desquels se situe la compagne du sultan qui mène le jeu amoureux entre le trio, comme une marionnettiste.  Bien sûr, on retrouve aussi d’autres personnages comme des odalisques, des musiciens, des gardes.

A son tour, le décor devait s’adapter à cette nouvelle vision. Kader Belarbi opte pour une scénographie sobre,  qu’il qualifie lui-même  « flottante » , confiée à Sylvie Olivé.  Cette caractéristique permet d’ouvrir l’espace  et de créer  la spatialité nécessaire pour permettre aux danseurs de s’exprimer  et au public de se plonger dans le ballet.  Pour les costumes d’Olivier Bériot qui ne sont pas du tout illustratifs, on joue sur les couleurs qui font ressortir les personnages sur le fond épuré de la scénographie.

 La chorégraphie est construite de manière à ce que sa valeur vienne non seulement de la beauté des pas ou des gestes, mais aussi de la construction de leur enchainement. Ce que l’on peut appeler pantomime n’est en réalité que la façon qu’ont les danseurs de s’approprier leurs rôles et de les interpréter à l’aide de la musique pour créer une sorte de conversation et de dialogue. La clé du succès vient d’un focus intérieur plutôt qu’extérieur, car ce sont les émotions et les sentiments que le public est amené à percevoir. On peut parler d’incarnation du danseur dans la scène. Grâce à ses expériences dans le théâtre et le cinéma, sans oublier bien évidemment sa carrière d’étoile à l’Opéra National de Paris, Kader Belarbi arrive à réaliser son challenge : celui de créer un ballet cinématographique pour que tout le monde puisse s’identifier, apprécier ou pas.

Au mois de décembre prochain, Kader Belarbi présentera son Casse-Noisette qui n’aura pas le classique sapin de Noel, le prince, les souris. Le public ne sera pas déçu, car l’argument revisité sera riche de suspens.

                                                                                                                                                                                                 Antonella Poli 

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