Fábio Lopez : les nouveautés

ph.Stéphane Bellocq

ph.Stéphane Bellocq

 La Compagnie Illicite Bayonne, dirigée par Fábio Lopez, vient d’initier une nouvelle collaboration avec les villes de Bayonne, Anglet et Biarritz, une première qui vise à proposer pour la saison 2021/2022, un programme coordonné respectueux de l’identité et des lieux de spectacle de chaque commune. Il s’agit d’une étape importante pour l’évolution de la compagnie qui aura l’opportunité de présenter trois spectacles par saison, notamment Adagio Hammerklavier de Hans van Manen (une première pour une compagnie française) ou Faune de Vasco Wellenkamp*. Cette collaboration inédite donnera lieu à des actions de médiation culturelle et de sensibilisation auprès des publics scolaires et des jeunes grâce aussi à l’organisation d’ateliers chorégraphiques qui pourront atteindre 1000 participants. En attendant nous avons échangé avec lui sur son nouveau spectacle qui sera présenté le 19 Juin prochain à Bayonne.

Le spectacle devait avoir lieu dans ce mois de février, il a été reporté au 19 Juin prochain toujours à Bayonne au Théâtre Michel-Portal. Le programme prévoit quatre pièces de style et d’univers différents. Fabio Lopez a invité deux jeunes chorégraphes femmes pour deux nouvelles créations : Moirai, pour trois danseuses de Ludmila Komkova sur les musiques de Claude Debussy (Jeu de Vague, Rêverie et Pour remercier la pluie au matin) et Nos Omnes de Nicole Muratov sur des musiques de Franz Liszt. Le directeur artistique de la compagnie Illicite Bayonne explique ainsi son choix  envers ces deux femmes chorégraphes :

« J’ai décidé qu’il fallait compléter le répertoire de la compagnie avec des pièces créées par des femmes. Il s’agissait d’un vide que je voulais combler afin de pouvoir faire travailler mes danseuses avec elles, possibles sources de visions différentes des processus de création incarnant des rapports divers au corps.

Ludmila Komkova avait remporté le Concours de jeunes chorégraphes à Bordeaux en Mai 2018 et sur accord d’Éric Quilleré, Directeur du Ballet de l’Opéra national de Bordeaux, je l’ai invitée à créer cette nouvelle pièce inspirée de la mythologie grecque. Nous étions d’accord pour ouvrir des possibilités à de nouveaux chorégraphes. Ludmila Komkova est capable de créer une dramaturgie abstraite, basée sur l’emploi d’un nombre minimum de pas  mais résultant d’une grande attention particulière au rapport avec le sol et au moindre détail, notamment les doigts des mains et les ports de bras. J’apprécie sa méthode de travail.

Nicole Muratov est une danseuse du Ballet de l’Opéra national de Bordeaux. Elle avait eu un grand succès grâce à la création d’un clip pour Bordeaux Prévention contre les violences sexistes. La création est une commande spécifique sur des musiques de Liszt pour quatre danseurs. La pièce est très physique, ancrée au sol, acrobatique, plus contemporaine. Mes danseurs ont eu ainsi la possibilité de se confronter à une technique nouvelle, différente du néoclassique. J’estime qu’il fallait donner à Nicole Muratov cette importante opportunité ».

Fábio Lopez, bien qu’il ait un regard ouvert pour promouvoir de nouveaux artistes, reste ancré dans la tradition afin que de grandes figures de la danse ne soient pas oubliées et que le patrimoine de la danse soit sauvegardé. Il choisit comme troisième pièce du programme Deep Song de Martha Graham (1937), créée un an après Lamentation et Steps in the street à la suite du bombardement de Guernica (pas très loin du Pays Basque) et inspirée du tableau de Pablo Picasso. C’est la première fois que Deep Song entre dans le répertoire d’une compagnie française. Ce solo avait été dansée dix ans après sa création et repris seulement 1989. Comme Fábio Lopez l’affirme « il s’agit d’un solo poignardant, il exprime la réaction humaine face à la tragédie et au chaos et je pense qu’il est représentatif de son engagement de la technique Graham. Il reste puissant et actuel.

Je suis particulièrement reconnaissant, avec la Martha Graham Contemporary Dance, de m’avoir donné l’opportunité de présenter Deep Song. D’ailleurs nous avons travaillé en visioconférence car leur répétitrice ne pouvait se déplacer en France. Il y a une autre raison qui me lie à Martha Graham : je connais la technique Graham apprise lors de ma formation à l’Ecole Rudra avec Maurice Béjart.  Je me rends compte que cela a influencé mon langage chorégraphique, surtout en ce qui concerne le travail des pieds ou du haut du corps, on peut retrouver des liens.

Notre reprise a une caractéristique particulière : nos deux interprètes sont des jeunes femmes au contraire de Martha Graham qui était déjà une femme d’âge mûr quand elle interprétait Deep Song. Nous avons travaillé beaucoup sur l’interprétation, les danseuses se sont beaucoup données pour arriver à atteindre le niveau de profondeur requis. En fait, la pièce avait été créée entre les deux guerres mondiales, elle doit transmettre le sentiment d’horreur, de désarroi. Ces états d’âme sont tellement forts et exprimés grâce à une contraction tellement puissante d’où une émotion intense se dégage ».

La Quatrième pièce qui complète le programme est Crying after Midnight de Fábio Lopez pour six danseurs, trois couples. Malgré ses envies, il a beaucoup attendu avant de se confronter à la musique de Frédéric Chopin, souvent utilisée par d’autres chorégraphes, voulant éviter des comparaisons. La période du confinement du printemps 2020 lui a permis d’être inspiré et de choisir les musiques : le Prélude n.4 et les Nocturnes n.8, 18 et 19 avec l’interprétation de la pianiste Marie Jean Pires.

Les Nymphéas de Claude Monet ont constitué une autre source d’inspiration. Le chorégraphe s’est plongé dans les reflets et les nuances des lumières des tableaux du peintre français, aux diverses heures du jour, notamment à l’aube, au coucher du soleil et la nuit. Il envisage de faire ressortir le sens et la relation de l’être humain à la vie avec un message de résurrection atteignable dans un espace « suspendu », sans poids.

L’ensemble chorégraphique du CNSMDP (Conservatoire Superieur de Musique et Danse de Paris) dansera la première partie de la soirée. Le programme sera dévoilé prochainement.

Propos recueillis par Antonella Poli, 25/02/2021

*Le Colisée, à Biarritz pourrait accueillir en octobre 2021 plusieurs pièces  dont La Mort du cygne de Fábio Lopez et Faune de Vasco Wellenkamp 

La Salle Lauga ou Théâtre Michel-Portal Bayonne serait susceptible d’accueillir en février 2022  La Belle au bois dormant de Fábio Lopez

Le Theâtre Quintaou, à Anglet, accueillerait pour sa part en juin 2022, entre autres, Deep song de Martha Graham ou encore  Adagio Hammerklavier de Hans van Manen.

 Une collaboration  avec le chorégraphe italien Mauro Bigonzetti, ancien directeur de la Scala de Milan, a été aussi programmée pour la saison 2022-2023.

 

Partager
Site internet créé par : Adveris