La reprise du Ballet de l’Opéra national du Rhin et les nouveautés de la saison 2020-2021
ph.Klara Beck
Bruno Bouché, Directeur Artistique du Ballet de l’Opéra national du Rhin, s’est confié à Chroniques de Danse pour illustrer les conditions de reprise de ses danseurs et dévoiler les nouveautés de la saison 2020-2021 qui devrait commencer le 5 Septembre prochain.
La semaine dernière le Ballet de l’Opéra national du Rhin a pu recommencer ses entrainements dans les studios de Mulhouse. C’est l’une des premières compagnies françaises à pouvoir reprendre le travail à la barre et au centre, bien que les danseurs doivent porter un masque. Cette reprise, souligne Bruno Bouché, directeur artistique, « a été décidée en concertation avec notre Direction Générale et notre Administratrice, Emmanuelle Boisanfray, les Autorités municipales et sanitaires et après avoir interpellé d’autres compagnies de Ballet.
Notre compagnie a le statut de Maison d’Opéra et de Centre Chorégraphique national, ce qui implique son financement sous forme de subventions à l’année de la part de l’Etat. Les encaissements des ventes des billets des spectacles ne constituent pas la majorité de nos recettes. Ce mode de fonctionnement nous différencie d’autres Centres chorégraphiques Nationaux, notamment le CCN-Malandain Ballet Biarritz ou le CCN-d’Aix-en-Provence/Ballet Preljocaj qui, d’une certaine manière, s’autofinancent recueillant le 40-50% de leurs bénéfices grâce à leurs tournées ou à leurs mécènes. Pour ce type de structure le maintien du chômage partiel reste la solution la plus appropriée.
Bien sûr, tous les danseurs de la compagnie désireraient se retrouver ensemble, oublier les sentiments d’angoisse ressentis par certains d’entre eux.
ph.Klara Beck
Pour que cette reprise ait pu se réaliser dans des conditions optimales, nous avons mis en place un protocole très strict qui prévoit notamment la désinfection des studios tous les jours, la distanciation à la barre de 3,5 mètres entre chaque danseur, des marquages au sol pour respecter les distances pendant les exercices au milieu qui pour l’instant restent statiques. Nous sommes partis sur une base de travail d’une heure journalière ; cette semaine nous l’allongerons déjà d’un quart d’heure. Nous envisageons de rouvrir aussi les salles de musculation, de reprendre les cours de Pilates pour un maximum 4-5 danseurs à la fois, et au début du mois de juin de pouvoir reprendre les répétitions de quelques solos, selon les nouvelles annonces du gouvernement prévues pour le 2 Juin prochain».
Confiant dans le futur, dans ce mois de Mai, l’Opéra National du Rhin a présenté la nouvelle saison d’Opéra et de Ballet. Les spectacles de danse sont censés recommencer le 5 Septembre prochain, mais « nous sommes encore face à l’inconnu », précise Bruno Bouché. « Avec la Direction Générale nous attendons des nouvelles directives en juin prochain ».
Néanmoins, nous avons voulu l’interroger sur les principales nouveautés de la saison 2020-2021 : la création d’Alba Castillo, Poussière de Terre et l’entrée au répertoire de la compagnie d’Annonciation d’Angelin Preljocaj présentées dans le programme Spectres d’Europe #3 (21 Octobre-18 Novembre 2020) ; la création de Bruno Bouché, Les Ailes du Désir (16-18 Décembre 2020 à Colmar ; 13-16 Février 2021 à Mulhouse ; 8-10 Avril 2021 à Ostwald).
« J’apprécie beaucoup la personnalité superbe et singulière d’Alba Castillo, chorégraphe barcelonaise que j’ai découverte à Bâle, ville où elle est installée. Dans la conception des programmes pour ma compagnie de style contemporain mais avec des bases classiques – explique Bruno Bouché – je privilégie découvrir et confier des créations à des chorégraphes qui ne se limitent pas à récréer le langage et l’écriture de grandes maîtres, notamment Jiri Kylian.
Poussière de Terre sera une création pour douze danseurs et j’espère pouvoir la réaliser. Dans le même programme, nous présenterons Annonciation, notre première collaboration avec Angelin Preljocaj qui, je l’espère, aura une suite dans le futur. Le choix de ce ballet est dicté par mon propos de le mettre en miroir avec la troisième pièce qui complète Spectres d’Europe #3, Bless-ainsi soit-IL, une reprise de ma création (2018), un pas de deux pour des hommes. En fait, on retrouve d’une part l’Ange Gabriel qui annonce à Marie sa maternité, d’autre part la lutte de l’Ange contre Jacob, évoquant l’épisode biblique. Deux passages de l’Ancien et du Nouveau Testament y trouveront leur place avec des relectures chorégraphiques poétiquement abouties.
Quant à ma création, Les Ailes du Désir, je m’inspirerai du film éponyme de Wim Wenders (1987), bouleversant pour moi, non pour le reproduire chorégraphiquement mais pour donner une interprétation personnelle basée sur la poésie que l’œuvre cinématographique dégage. Il y aura des références au film mais j’explorerai les univers esthétiques et théâtraux de l’œuvre filmée, surtout dans la première partie de mon ballet. J’ai été aussi interpellé par sa thématique liée à la figure de l’Ange, être spirituel en opposition avec nous, humains, êtres de chair confrontés à nos fragilités et à la mort.
Jamais, comme dans cette période marquée par l’épidémie du COVID-19, je me questionne sur le sens de l’existence, sur le désir et sur ce qui nous rend vivants. Nos vies peuvent s’arrêter d’une minute à l’autre. Pour cela j’estime fondamental de réfléchir sur la délicatesse de nos existences et sur la beauté de notre quotidien : apprécier le réveil du matin ou lire une histoire à un enfant, ce sont des états d’âme plus difficiles à transmettre et à exprimer que la peur, par exemple».
La saison prochaine pourra donc être identifiée autour de la thématique des Anges, figures éthérées auxquelles les êtres humains se sont toujours confrontés, même si c’est à chaque fois, de manière différente.
Propos recueillis par Antonella Poli