Nuit Blanche

Eleonora Abbagnato, Friedemann Vogel -ph.Julien Benhamou

Génése d’une création : Sébastien Bertaud, soliste de l’Opéra national de Paris, crée pour l’Opéra de Rome, sur invitation d’Eleonora Abbagnato, directrice de la danse, Nuit Blanche qui sera à l’affiche du 29 Mars au 2 Avril prochains dans le cadre de Serata Glass.

La rencontre entre Eleonora Abbagnato et Sébastien Bertaud ne date pas d’aujourd’hui. Les deux artistes appartiennent à la grande maison de l’Opéra de Paris et leur collaboration, fondée sur une mutuelle confiance, s’est construite au fil du temps.

La première rencontre artistique entre Eleonora Abbagnato et Sébastien Bertaud remonte à 2012, année durant laquelle le danseur, encore jeune coryphée, avait été choisi par William Forsythe pour danser avec l’étoile dans Pas./Parts. La rencontre avec le chorégraphe américain a été cruciale dans l’évolution de son développement artistique. De fait, dans le cadre de l’Académie chorégraphique de l’Opéra, Sébastien Bertaud a suivi l’enseignement de William Forsythe, qui lui demandé de devenir son assistant chorégraphique dans ce cadre. Ce fut, à l’évidence, pour le jeune artiste, une opportunité extraordinaire: un échange très ouvert et très enrichissant s’entama avec le grand maître américain.

Avec une double casquette, en tant que danseur et assistant, Sébastien Bertaud a eu l’occasion de conduire à côté de William Forsythe les répétitions d’Approximate Sonata, ou il a notamment travaillé avec Eleonora Abbganato. Ce fut une grande responsabilité, une expérience formatrice et très enrichissante.

Son expérience de chorégraphe s’est approfondie au Ballet de Flandres où il aide à remonter de nouveau Approximate Sonata, et aussi au CNSMDP où il crée Esquisse, une pièce pour 20 jeunes danseurs de la dernière année d’études.

Renaissance, présenté à l’Opéra de Paris en 2017, ouvre les portes de la consécration à Sébastien Bertaud. Ce spectacle coïncide aussi avec la fin de l’Académie chorégraphique. Dans ce ballet, il souhaite valoriser le patrimoine et la tradition de la danse classique française, née sous Louis XIV.

« William Forsythe m’a toujours incité à développer mes propres idées, à assumer dans mon travail ce gout et cet amour d’une forme de classicisme.

La scénographie évoque la richesse, l’opulence, les dorures, l’élégance de la cour de Versailles. En même temps, il apporte sa sensibilité contemporaine et confie les costumes à Olivier Rousteing de la Maison Balmain, grand exemple de la créativité française. La présence d’étoiles et des premières danseuses, notamment Dorothée Gilbert, Amandine Albisson et Hannah O’Neill, enthousiastes de participer à ce projet, garantissent le succès de ce ballet.

La preuve en fut puisqu’un extrait fut diffusé en Russie, pendant l’émission Bolchoï Ballet Contexte, présentée par Svetlana Zakharova, avec les danseurs Julian Mac Kay du Théâtre Mikhaylovsky et Skylar Brandt de l’ABT.

Venons à Nuit Blanche. L’année dernière Eleonora Abbagnato propose à Sébastien Bertaud une commande pour une création à l’Opéra de Rome, Aurélie Dupont, directrice de la danse de l’Opéra donne son accord. Le jeune chorégraphe se rend alors dans la capitale italienne pour découvrir la compagnie, à travers leurs spectacles.

Le processus de création de ce ballet se développe selon trois axes.

Le premier est fondé sur le rapport danse-musique. « J’aime créer des pièces poétiques et abstraites précise le chorégraphe. Initialement avec Eleonora j’avais envisagé de retravailler sur la musique Mad Rush de Philip Glass, partition sur laquelle j’avais déjà créé un ballet, sur commande de Benjamin Millepied pour une soirée musique/danse à l’Opéra Garnier. Au fur et à mesure que je réfléchissais, je me suis rendu compte que javais besoin de plus d’espace musical. J’ai écouté tout le répertoire de Philip Glass et j’ai finalement choisi le somptueux Concerto n.1 pour piano et orchestre, en trois mouvements, plus connu sous le nom de Tirol Concerto. Dans le travail  j’ai instauré un dialogue instinctif avec cette musique; elle est très riche, contrastée avec aussi des accents jazzy. Le premier et le troisième mouvement je les ai conçus pour dix-sept danseurs. J’ai imaginé beaucoup de figures circulaires, des enchevêtrements, comme un travail de broderie chorégraphique. Travailler avec un groupe de danseurs sur une grande scène est un travail avec des règles très  spécifiques. Dans le deuxième mouvement Eleonora Abbagnato dansera avec l’étoile du Stuttgart Ballet Friedemann Vogel, il y a une grande alchimie artistique entre ces deux immenses artistes qui ont déjà dansé ensemble à l’Opéra de Rome dans l’Histoire de Manon la saison dernière ».

Le deuxième axe se concentre sur le lien danse-mode dans le sillage d’une tradition qui remonte aux Ballets Russes.

« Pour cette collaboration avec le Ballet de l’Opéra de Rome à l’invitation d’Eleonora Abbagnato, j’ai à cœur de poursuivre la tradition de collaboration qui unit la danse et la mode, des Ballets Russes à nos jours. Car pour moi, créer en danse classique aujourd’hui c’est faire vivre un héritage culturel. Mon ambition : amener de nouveaux publics vers le ballet, et l’inscrire dans notre époque. Le travail de Maria Grazia Chiuri, première femme à diriger la création de la haute couture pour la Maison Dior, représente pour moi le raffinement, la modernité, une certaine idée du chic à la Française. J’ai infiniment d’admiration pour la créatrice exigeante, qui décline ses codes de façon simple, poétique, moderne et féministe. Je suis très touché qu’elle ait accepté d’apporter son regard créatif sur l’univers du ballet, et je suis très honoré de pouvoir présenter cette création à l’Opéra de Rome pour les merveilleux danseurs de la compagnie. Cette collaboration est pour moi l’occasion d’un dialogue poétique en Paris et Rome, la France et l’Italie. »

Enfin, Sébastien Bertaud a abordé cette création en s’inspirant des jardins de Villa Médicis, lieu où il avait présenté en avant premiére sa création Nuit Blanche, en compagnie d’Eleonora Abbagnato, en janvier dernier.

« Dans cette création que j’ai réalisée “sur mesure”  pour les danseurs de l’Opéra de Rome, vous pourrez reconnaitre des motifs artistiques présents dans la Ville, que j’ai découverts lors de mes innombrables déambulations dans Rome, et que j’ai traduit en danse lors du processus de création. Je crois que l’on ne crée pas à Rome comme ailleurs. La beauté inouïe de la ville, la puissance de son histoire qui vous surprend à chaque coin de rue, détermine peut-être comme nul part ailleurs le travail des artistes. Dans cette création, certains ensembles m’ont été par exemple inspirés par “Les Niobides” de la Villa Médicis, un groupe de statues mis en scène par Balthus dans le jardin de la Villa. J’aime cette idée de formes artistiques qui voyagent dans le temps. Comment une même idée se transmet, se transforme, d’époque en époque, comment une image est réappropriée par chaque génération. “Nuit blanche” est une forme de réponse à cette grande conversation artistique qui traverse le temps à Rome. C’est aussi une tentative de réponse à cette question: comment créer un ballet classique d’aujourd’hui, respectueux de son histoire et pourtant tourné vers l’avenir. »

Propos recueillis par Antonella Poli

 

 

 

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