The Barre Project (Blake Works II)

Chorégraphie : William Forsythe

Distribution : Tyler Peck, Lex Ishimoto, Romain Mei et Brooklyn Mack

Musiques : James Blake

“The Barre Project is designed to celebrate the deep commitment that all dancers bring to their chosen form. Irrespective of genre, a dancer’s irrepressible capacity to summon fierce joy through their work gives testament to the resilience of the human spirit.”  

Avec ce propos, William Forsythe a conçu la pièce intitulée The Barre Project (Blake Works II), sur les musiques de James Blake, compositeur musical déjà choisi par le chorégraphe pour Blake Works I créé pour l’Opéra national de Paris en 2016. Cette nouvelle pièce a été créée via Zoom, filmée dans le théâtre La Mirada à Los Angeles et diffusée gratuitement en ligne pour la première fois les 25 et 27 Mars derniers par CLI studios*.

Cette pièce valorise le lien étroit entre le danseur et la barre, cet « outil » qui les accompagne pendant toute leur carrière : ils y forment leurs corps en forgeant et étirant leurs muscles, ils affinent leurs sensations corporelles, ils apprennent le rythme, le sens des directions spatiales, l’axe, l’indépendance de leurs bras et jambes, l’équilibre. Ce travail marque le quotidien d’un danseur, c’est son petit déjeuner.

C’est ainsi que les quatre danseurs, Tyler Peck (étoile du New York City Ballet), Lex Ishimoto, Romain Mei et Brooklyn Mack nous livrent une « barre » dansée en nous démontrant qu’elle constitue la base de tout travail « au centre » qui n’est que le résultat des tous les pas acquis et perfectionnés à la barre : tendus, dégagés, arabesques, frappés, pas de bourrée…

 Sur une scène complètement épurée, d’un pas décidé, Tyler Peck se dirige à la barre.

Après quelques mouvements d’échauffement entrecoupés d’ondulations du corps « modern jazz », elle longe la barre et s’adonne à de courts enchainements néo-classiques, relayée par l’arrivée soudaine d’un danseur en justaucorps bleu. Il va et vient : pirouettes rapides, demi-tours, battements acérés en maintenant un contact avec la barre ; lui-même à nouveau relayé par le preste retour de la danseuse.

Ainsi se succède ce « manège » des apparitions – disparitions dans des évolutions remarquables, gagnant en célérité et en virtuosité à chaque passage, interrompues par un bref et brillant duo.

Tyler Peck est à nouveau là, promettant des attitudes basiques que tout professionnel ou amateur a exécuté, mais elle s’en échappe pour nous étourdir par ses élévations de jambes et ses arabesques parfaites.

Une séquence dévoile autrement la barre : lignes parallèles en perspective auxquelles s’accrochent une main, deux mains, trois mains… avec douceur, avec lenteur, avec certitude, offrant un véritable ballet gestuel par leurs entrecroisements, effleurant et caressant la barre, gestes de confiances et d’intimité. Ce passage nous fait ressentir le sentiment du toucher qui nous manque dans cette époque de pandémie.

La barre devient un objet magnifié, presque personnalisée en tant que partenaire de l’artiste, obligeant à une conscience accrue de son enserrement, permettant un appui indéfectible qu’il faut savoir maitriser pour ensuite s’en éloigner et s’en affranchir afin de poursuivre « au centre ». Encore que il est fréquent en danse d’évoquer une barre sans barre dite « au sol » pour préparer le corps à l’effort.

Telle une preuve, Tyler Peck exécute un adage en accord avec un accompagnement chanté lent, presque langoureux.

L’histoire conceptuelle de cette pièce dirigée par William  Forsythe est livrée aux spectateurs sous forme d’une leçon en ligne. La musique est architecture – Bill affirme – elle nous inspire des formes, des volumes, la densité du mouvement. Il évoque et relie l’architecture du corps en mouvement et l’apport du contact promis par la barre. Une alliance se produit alors pour lui « physiquement et mentalement », un paperboard crayonné démontrant ses tentatives de traitement des volumes et de la spatialité, de la mise en forme précise en relation avec la musique, complétées par quelques démonstrations chorégraphiques.

Tout danseur se reconnaît dans la situation de la contrainte imposée par le confinement mondial du à la pandémie (Covid-19) rétrécissant l’espace, coinçant les pratiques entre un lit et un bureau que l’on a repoussé près du mur à domicile.

Mais les danseurs dégagent une grande vivacité et énergie, ils nous montrent la portée universelle de la danse quand dans un duo nous reconnaissons des pas de danse de salon : il n’y a jamais des frontières strictes entre les différents styles et techniques de la danse. Les corps s’enveloppent à la barre et puis ils se détachent avec la même précision et un contrôle remarquable, même dans les moments où leur axe se perd.

A distance de la barre fixe résumant le décor, avec les techniciens et leur appareillage technique pour tous public (en présentiel), le travail de transmission et d’exposition chorégraphique continue, exaltant les prouesses de la danse contemporaine et les audaces performatives. Les solo, duos, trios défilent, s’entremêlent, dont un couple aussi éclatant et véloce que le rouge vif de leur tenue, soutenus par différentes partitions musicales.

Le final de ce montage artistique, élégant, incarné, revient à la barre, objet fédérateur, fétiche partagé par tous encore plus poétiquement que dans la première séquence, les glissements doux des mains des danseurs matérialisant les sonorités de la musique.

C’est une sorte d’hommage à la barre d’où s’origine tout de même toutes les explosions dansantes, dont ce sublime Project Barre (Blake Works II).

Une autre soirée dédiée aux oeuvres de William Forsythe sera organisée et diffusée en ligne par le Sadler’s Wells

au début du mois de Mai prochain.

Antonella Poli

* Les CLI studios sont engagés pour la diffusion de la danse de tout style au grand public proposant des cours donnés par des chorégraphes réputés, accessibles en ligne dans le monde entier.

 

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