Corpus

Chorégraphie : Jean-Christophe Maillot, Goyo Montero

Distribution : Ballets de Monte-Carlo

Core Meu, ch.Jean-Christophe Maillot-ph.Alice Blangero

Le titre de ce dernier spectacle des Ballets de Monte-Carlo, Corpus, présenté au Grimaldi Forum du 25 au 28 avril, se révèle très approprié pour synthétiser l’esprit de la soirée.

Si on le considère d’un point de vue de son étymologie latine, il renvoie à ce qui caractérise chaque individu, mais en même temps, le mot corpus pourrait aussi représenter la notion de groupe, un ensemble de concepts, d’idées et pour aller plus loin, des créatures réunies ensemble pour une fin précise.

Dans les deux ballets présentés au programme, Atman de Goyo Montero et Core Meu de Jean-Christophe Maillot, ces deux notions s’entremêlent. Voyons comment.

Goyo Montero, à partir de la création Pulse, pièce courte conçue pour le premier projet chorégraphique du Prix de Lausanne 2018, explore la relation groupe-individu. Ses premiers moments, à partir de la première scène où les trente danseurs sont allongés au sol dans leurs académiques rouges, montrent une forte cohésion entre eux, leurs mouvements étant à l’unisson. Cette dynamique si précise, exécutée à la perfection d’un point de vue musicale sur la partition de Owen Belton, s’interrompt quand des danseurs, chacun à son tour, s’échappent du groupe. Chacun interprète des solos où les mouvements des bras sont prédominants, comme pour s’affirmer, chercher et s’approprier un espace personnel. Ce qui intrigue dans cette pièce est la force à la fois de cohésion et de répulsion que l’on ressent ; jusqu’à la fin, cette alternance persiste, pour s’éteindre quand le groupe des danseurs retrouve sa cohésion.

Core meu, création de Jean-Christophe Maillot s’annonce vibrante. La présence sur scène d’Antonio Castrignanó et de la Taranta Sounds, groupe musical des Pouilles (région du Sud-Est de l’Italie) qui fait revivre la musique populaire de la tarentelle, fait comprendre au public, dès les premières notes, que c’est l’heure de se faire plaisir. Exactement ça, comme l’affirme aussi le chorégraphe : « Pour une fois, j’ai voulu prendre du plaisir dans la création, un plaisir qui soit partagé entre moi, les danseurs et le public ». Et Jean-Christophe Maillot dédie aussi cette pièce à Maurice Béjart dont il garde un souvenir très précieux, surtout pour sa capacité d’avoir su rendre « populaire » la danse classique considérée depuis toujours comme une affaire élitaire.

Mais le directeur artistique des Ballets de Monte-Carlo, arrive à créer un mélange parfait entre le côté populaire de la tarentelle et un style chorégraphique raffiné, élégant, débordant d’énergie, passionnel. D’une certaine manière il est capable de la rajeunir, de lui apporter une allure de noblesse. Cette pièce, malgré les textes des chansons jouées par la Taranta Sounds, n’est presque jamais illustrative. C’est grâce à son rythme et à l’énergie débordante des danseurs qui conquiert le public, subjugué par la danse effrénée qui se produit sur scène.

Et autre coup de foudre, l’utilisation des pointes pour les danseuses. Ce choix se révèle particulièrement bien réussi car elles marquent et font ressortir encore plus les accents de la musique. Les longues jupes amples pour les filles et les torses nus pour les garçons créent d’une part une danse virile, et d’autre part exaltent la figure féminine. L’effet thérapeutique qui était propre à la tarentelle dès ses origines au XVIIIème siècle (cette danse permettait de guérir un malade souffrant d’une morsure d’une tarentule, grosse araignée) prend ici une autre tournure : le public est enthousiaste, danse, et c’est le bonheur pour tous !

Monaco, Grimaldi Forum, 26 Avril 2019

Antonella Poli

 

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