Hommage à Robbins

Chorégraphie : Jérôme Robbins

Distribution : Les étoiles, les premiers danseurs, les solistes et le Corps de Ballet de l'Opéra de Paris

Amandine Albisson et Hugo Marchand-ph.Sébastien Mathé

Le Ballet de l’Opéra National de Paris présente jusqu’au 14 Novembre Hommage à Robbins, un programme très bien réussi, capable de montrer les différentes facettes de l’univers du chorégraphe et, plus encore, de mettre en valeur la portée novatrice de ses réflexions sur la danse.

Jérôme Robbins a toujours considéré l’Opéra National de Paris comme sa seconde famille après le New York City Ballet. Tous les danseurs interprètes de la soirée ont été remarquables, chacun montrant sa personnalité et étant capable de restituer des performances à la hauteur du rôle qu’il dansait.

Le premier ballet au programme, Fancy Free,  nous plonge dans l’Amérique des années de fin de guerre ; on est en 1944. Jérôme Robbins choisit de mettre sur scène trois marins qui s’amusent en cherchant à séduire trois femmes. Ils sont très naturels dans leurs mouvements, même si chacun d’entre eux a des moments de solos où il peut montrer ses capacités techniques et athlétiques avec des grands sauts et des pirouettes. La pièce a sans doute des références au style de la comédie musicale, mais ce qui est marquant est que le chorégraphe arrive très bien à associer la danse classique et les gestes du quotidien, mime et mouvements qui alternent moments d’accélération et de calme. Dans une atmosphère gaie, les trois marins dialoguent entre eux avec leurs regards, en se défiant et en se faisant des blagues. Stéphane Bullion, Karl Paquette et François Alu forment un trio superbement assorti qui attire l’attention du public. Côté féminin, on est enchanté par Eleonora Abbagnato, Alice Renavand et Aurélia Bellet, qui jouent leurs rôles de séductrices avec malice et titillent les trois marins de leur seule présence. La musique de Bernstein, Fancy Free, est élément essentiel qui nous emballe encore plus.

A Suite of dances, solo composé sur des extraits des Suites pour violoncelle seul de Bach, nous confirme toutes les qualités du premier danseur Paul Marque. Son corps entre en dialogue avec le violoncelle. Ses mouvements le suivent parfaitement, comme un flux continu qui s’arrête seulement à la fin de la musique. L’exécution de cette pièce requiert un grand sens rythmique, une grande concentration pour suivre toutes les nuances de la partition et une fusion complète avec l’instrument musical. Mikhaïl Baryschnikov, pour lequel Jérôme Robbins créa ce solo en 1994, disait : « Je pense que c’est une pièce sur Jerry – un homme s’appuyant sur une jambe, qui écoute et se demande, « d’accord, et ensuite ? » Il y a comme de l’ironie et de l’urgence, mais aussi une qualité un peu douce-amère. Cet homme qui danse est un homme d’intelligence, un homme qui pense ».

Afternoon of a Faun se détache complétement de la version de Nijinsky qui a marqué l’histoire de la danse. Cette dernière était caractérisée par une forte intensité émotionnelle et charnelle, ne laissant pas de côté l’aspect sauvage. Jérôme Robbins présente une chorégraphie poétique et musicale, plutôt humaine, bien loin de celle de son prédécesseur. Hugo Marchand et Amandine Albisson sont des créatures idéalisées qui s’expriment dans un espace clos, avec des barres qui rappellent un studio de danse. La créature féminine représente un esprit éthéré, elle incarne une sorte de rêve. Les deux interprètes figent des moments très esthétiques proches du style de la Grèce antique.

 

Hugo Marchand-ph.Sébastien Mathé

Glass Pieces clôt la soirée. La musique répétitive de Philip Glass acquiert une toute autre dimension  et un caractère bien marqué grâce à la scénographie et les lumières : un tableau de fond quadrillé aux différents coloris et une scène bien éclairée. Les danseurs ne font que marcher sur scène, surtout au début du ballet, mais en même temps ils dessinent l’espace, ils le créent, ils représentent un univers humain témoin de toute différence. La musique ouvre les esprits et a la capacité de nous emmener vers un univers lointain en nous faisant  rêver.

Et ce n’est pas par hasard qu’il y a aussi, dans ce ballet,  l’espace pour un moment harmonieux, dansé par un couple. La force de ce ballet reste dans l’intensité d’une chorégraphie apparemment simple, mais recherchée.

Antonella Poli

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