In Memoriam-Back on Track 61

Chorégraphie : Sidi Larbi Cherkaoui-Jean-Christophe Maillot

Distribution : Les Ballets de Monte-Carlo

Musiques : A Filetta, Maurice Ravel

ph.Alice Blangero

Pour la saison d’hiver, les Ballets de Monte-Carlo retrouvent les scènes de la Salle Garnier de l’Opéra de Monaco pour une soirée consacrée à la valeur de la mémoire et aux traces qu’elle laisse sur le corps.
In memoriam de Sidi Larbi Cherkaoui a ouvert la soirée. La pièce avait été créée pour la compagnie monégasque en 2004, marquant ainsi la collaboration du chorégraphe avec les Ballets de Monte-Carlo.

Les trois duos principaux sont fondamentaux pour la compréhension des intentions du ballet. Les corps des danseurs semblent réanimés par leurs effleurements réciproques qui s’intensifient au fur et à mesure. Si au début, surtout dans le premier duo, il n’y a pas de contact charnel et la relation reste sur un plan presque spirituel, les rapports s’intensifient par la suite, donnant lieu à des dialogues imaginaires et corporels entre les interprètes. Leur danse est accompagnée à la fois par des gestes fluides et par les chants corses du groupe A Filette.
Chacun raconte sa propre histoire à travers la représentation des sentiments qui ont marqué sa vie : tendresse, conflit, incompréhension, amour. Les danseurs se magnétisent réciproquement, vibrent ensemble en s’échangeant l’élan vital évoqué par leurs souvenirs. Le temps est passé mais la mémoire du corps reste vivante, faisant ressortir à fleur de peau les émotions vécues. Ce flux d’images qui font voyager le spectateur entre le passé et le présent est intercalé de scènes dansées du corps de ballet qui évolue vertigineusement comme un ensemble de derviches tourneurs.

La qualité des mouvements des danseurs des Ballets de Monte-Carlo, aux lignes sculptées, permet de vivre les états émotionnels évoqués par les chants et par chaque partie corporelle des interprètes.

La création de Jean-Christophe Maillot, Back on Track 61, rend hommage à la carrière du chorégraphe, un trait d’union entre son passé et son présent montrant les différentes facettes qui caractérisent son style. Sur les notes du Concerto en sol majeur de Maurice Ravel aux accents jazzy, les jeunes danseurs des Ballets des Monte-Carlo manifestent toute leur fraîcheur et leur habilité technique sur pointes en se produisant dans des passages exécutés avec brio et vivacité, à toute vitesse.
C’est la joie de danser, la même qui anime depuis tant d’années leur chorégraphe. Rapidité féline, précision, géométrie parfaite émerveillent autant que la jeunesse des interprètes. La vraie surprise de la création est le retour sur scène de Bernice Coppieters, danseuse étoile et Muse de Jean-Christophe Maillot, accompagnée d’Asier Uriagereka. Jeunesse et maturité se confrontent dans la même pièce pour affirmer la valeur intemporelle de la danse.

Le couple reste dans la pénombre, au fond de la scène, regardant une barre, outil de leur travail quotidien pendant de longues années, et tournant le dos à leurs jeunes collègues impliqués dans leur feu d’artifice de danse. Le registre change quand ils avancent pour débuter un pas de deux où tout leur bagage artistique ressort naturellement. La valeur expressive de leur gestuelle, incarnée par la capacité de faire parler leurs corps imprégnés de toute leur expérience, s’oppose à l’esthétique de la première partie de Back on Track 61.

Un dialogue intense s’ouvre et l’entente des deux interprètes est émouvante. La contraposition des deux parties du ballet n’appelle pas de jugement car la danse montre que chaque âge peut trouver en elle la manière de s’exprimer. La conclusion appelle encore sur scène les jeunes danseurs pour un final enthousiasmant.

Salle Garnier, Opéra de Monaco, 30 Octobre 2021

Antonella Poli

Partager
Site internet créé par : Adveris