La Fresque

Chorégraphie : Angelin Preljocaj

Musiques : Nicolas Godin

La Fresque-ph.Jean-Claude Carbonne

La fresque est cette « peinture sur le mur », objet d’un conte chinois du 13ème siècle mis en scène par la chorégraphie suggestive de Angelin Preljocaj.

Le spectateur démarre un périple en même temps que 2 terriens – 2 danseurs aux sauts prestigieux -. Guidés par des moines agiles, capuchonnés, bienveillants, ils sont amenés à découvrir la beauté de jeunes filles figurées au point de tomber amoureux de l’une d’elles pour « Chu » qui veut la rejoindre. « Ce jeune homme  traverse l’image et vit à l’intérieur » et « le voyage dans une autre dimension transforme l’image dans un lieu de transcendance » nous dit le chorégraphe dans une interview.

La réalité des danseuses, d’abord figées puis aux gestes alanguis et souples, se télescope avec l’imaginaire que la danse nous conte en illustrant l’histoire tout en laissant à chaque spectateur la possibilité de composer, par sa propre rêverie associative, « sa » fresque. Donc… Il était une fois… .

L’espace onirique et celui du réel basculent de l’un à l’autre, de l’un dans l’autre, par le jeu spatial de parois mobiles délimitant le plateau, d’éclairages traçant des raies de lumière projetées au sol ou tombant des cintres ou cernant tel passage, du rideau de scène qui s’abaisse momentanément et isole les artistes rejoignant par une pirouette ou une roulade à l’avant-scène le public.

Une succession de tableaux dansés s’enchaine et réalise une autre fresque, celle qui se déroule telle les vignettes d’une bande dessinée ou encore telle la plongée dans l’univers de la réalité virtuelle, suggère Angelin Preljocaj. 

Mais la matérialité de cette rêverie peuplée de désir et d’inconscient défile concrètement grâce aux séquences dansées virtuoses, aux mouvements virevoltants, aux quatuors joyeux et colorés par les costumes de Azzedine Alaïa, aux danseuses hérissant les cheveux de cette jeune fille virginale immobile, au groupe soudé dans un mouvement choral, aux exploits d’artistes en noir aux masques blancs et à ceux qui évoluent à la façon des circassiens suspendus à une corde, à la dramaturgie de guerriers casqués et – bien sûr – au duo amoureux avec baiser réveillant l’endormie allongée, accompagné de la livraison d’un énorme bouquet de roses rouges.

Un fil magique relie les transitions sous forme de volutes blanches aériennes sur fond noir résumant le décor. Elles se déploient et évoluent à l’image des nuages sous un éclairage lunaire : trainées éphémères lactées, boule concentrée réduite à un point épais qui se dilate à l’infini, encerclements mouvants, vagues sinueuses, dispersion en un scintillement de ciel étoilé. On doit beaucoup au talent de Constance Guisset et de Éric Soyer.

Le réel reprend ses droits avec le salut de la compagnie et celui de Angelin Preljocaj très applaudi par la salle. Cette pièce, initialement destinée à un jeune public, réjouit notre envie d’adultes de revivre les émerveillements de l’enfance.

C’est un ballet peut-être trop doux, trop naîf dans un monde d’aujourd’hui bruyant et chaotique pour certains ou au contraire, pour d’autres c’est une respiration dansante, très esthétique, sans heurt, apaisante, qui finit bien. Et ça fait du bien.

Jusqu’au 22 Décembre 2017 au Théâtre National de la Danse Chaillot

 

Partager
Site internet créé par : Adveris