Mats Ek

Chorégraphie : Mats Ek

Distribution : Les Etoiles, les Premiers danseurs et le Corps de Ballet de l'Opéra de Paris

Musiques : Georges Bizet, Rodion Shchedrin; Franz Liszt, Sonate pour piano en si mineur; Maurice Ravel

Carmen, Eleonora Abbagnato-ph.Ann Ray

Mats Ek, après avoir salué son public en 2016 avec le programme From Black to Blue présenté au Théâtre des Champs Elysées, est de retour à la chorégraphie!

Pour le Ballet de l’Opéra national de Paris, le chorégraphe suédois conçoit une soirée en crescendo avec Carmen (1992), entrée au répertoire, suivie de deux créations, Another Place et Boléro.

Carmen représente la femme fatale, symbole de liberté constamment rebelle au pouvoirsde l’homme. Une des plus célèbres et passionnantes versions de ce ballet reste celle de Roland Petit, avec Zizi Jeanmaire dans le rôle de l’héroïne espagnole. Mats Ek aborde la dramaturgie du personnage de manière différente, plus introspective, en se concentrant sur les personnages principaux et leurs dynamiques passionnelles. Son écriture chorégraphique, essentielle et fidèle au style qu’on lui connaît, met en valeur la personnalité séduisante de la figure féminine qui ne cède rien.

Avec son cigare au coin des lèvres, elle domine la scène en menant le jeu. Sa force et sa personnalité incontrôlable sont accentuées surtout dans les solos où l’amplitude des mouvements captive les spectateurs qui n’ont d’yeux que pour elle. On retrouve l’importance de la figure féminine grâce aussi à la présence de huit autres gitanes, aux costumes typiquement espagnols à volants et brillants auxquelles Mats Ek réserve des moments de danse chorale très forts. Eleonora Abbagnato (Carmen) incarne magistralement toute la palette des sentiments : la passion, le désir, l’amour, la trahison, n’hésitant à aucun moment à s’exprimer avec sa robe rouge vif. Deux moments symboliques de séduction et d’érotisme attirent aussi l’attention : pour séduire Don José (Simon Le Borgne), Carmen extrait un foulard rouge du cœur de son partenaire ; de l’autre côté elle attire Escamillo (Florent Melac) en sortant un foulard rose de son sexe. Le décor simple fait seulement d’énormes éventails stylisés à pois, focalise l’attention sur l’histoire passionnelle et tragique qui se déroule sur scène, jusqu’ à la fin, qui voit Carmen succomber dans le sang symbolisé par une longue robe rouge à traîne qui l’enveloppe.

Another Place, s’inscrit dans la tradition des duos intenses dont Mats Ek reste un auteur marquant. Pour ce dernier, il reprend le célèbre duo Place créé pour Ana Laguna et Mikhaïl Baryshnikov en 2007. Les dynamiques psychologiques et comportementales d’un couple constituent encore une fois le cœur de cette création. Les deux interprètes, les étoiles Ludmila Pagliero et Stéphane Bullion, habillés comme dans la vie quotidienne, se retrouvent autour d’une table, symbole de leur vie de foyer. Ils s’interrogent, s’éloignent, plongent dans leurs souvenirs de vie en dansant. La chorégraphie de Mats Ek est un récit de leurs sentiments contrastés malgré le fil imaginaire qui les réunit. L’opposition entre attirance et répulsion est évidente jusqu’au point que l’homme, à un certain moment, disparaît de la scène en se jetant dans la fosse de l’orchestre.

La mélodie,la Sonate pour piano en si mineur de Franz Liszt, rythme leur vie : les passages les plus doux correspondent aux séquences dansées plus intimes. Un moment de rêve s’ouvre au couple quand ils se retrouvent dans un salon du XVIIIème siècle…

Sans apercevoir aucune conclusion d’Another Place, on glisse directement sur la deuxième création de la soirée, Boléro. Les coulisses de l’Opéra Garnier disparaissent. Un homme (Niklas Ek, frère de Mats Ek) habillé en blanc, commence à entrer sur scène pour remplir un grand seau d’eau, sur le rythme des premières notes de la musique de Ravel. Les danseurs, en duo, trios ou en groupe rajeunissent ce monument musical, la chorégraphie étant tout à fait libres de codes ou de réminiscences d’autres versions de ce ballet. Elle se développe avec des séquences très dynamiques, géométriques. Les allers et retours de « l’homme en blanc » continuent plein de surprises, jusqu’à la fin, en s’entrelaçant avec les danseurs et en interrogeant le public. Une très belle création qui marque un beau retour de Mats Ek à la création !

Opéra Garnier, 5 Juillet 2019

Antonella Poli

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