Shut Eye-Woke up Blind-Partita for 8 Dancers

Chorégraphie : Sol León et Paul Lightfoot, Marco Goecke, Crystal Pite

Distribution : Nederlands Dans Theater

Musiques : Olafur Arnalds, Jeff Buckley, Caroline Shaw

Partita for 8 dancers-ph.Rahi Rezvani

La clôture de cette 38ème édition du Festival Montpellier Danse est particulièrement éloquente.

Le Nederlands Dans Theater, dirigé par Sol Léon et Paul Lightfoot offre au Corum, dans la salle Berlioz, une représentation tripartite de danse contemporaine, l’unité résidant autant dans la créativité des chorégraphes que dans l’extrême virtuosité des danseurs.

La soirée démarre avec la pièce Shut Eye conçue dans la complicité par Sol León et Paul Lightfoot.

Ce titre, injonction paradoxale à « fermer les yeux », est une incitation à s’imprégner intérieurement d’une danse chargée en émotion exécutée par 8 danseurs dont 2 couples ; c’est aussi une référence à Paul Gauguin qui nous dit : « Je ferme les yeux pour voir ».

La salle est d’emblée plongée dans un rêve érotisé qui se déroule sous ses yeux, un soir de pleine lune en décor de fond de scène éclairant un couple d’amoureux, puis un deuxième couple, puis l’arrivée d’autres partenaires…

On ne sait plus qui rencontre qui dans des duos d’emprise langoureuse, des portés audacieux accumulant des attitudes de bascule et d’envolée ; dans des échanges amoureux, des trio et des colloques singuliers ; des silhouettes blanches projetées sur fond noir ajoutant à l’atmosphère nostalgique et fantasmatique, sur une musique de Olafur Arnalds.

Glissant d’un désir à l’autre, on se cherche, s’attire, s’évite, se chevauche, se fait surprendre ; on s’éclipse…là-bas… par une discrète porte en fond de scène qui se ferme, s’entrouvre pour jeter un coup d’œil…

Voir les yeux fermés, c’est aussi frémir intérieurement devant ces sollicitations mouvementées dont les échos se font en chaque spectateur, en miroir des actions dansées (neurologiquement prouvé) qui influencent notre ressenti émotionnel intime, comblé par cette pièce d’une grande beauté.

Shut Eye-ph.Rahi Rezvani

La deuxième pièce de la soirée, très attendue, est une création de la canadienne Crystal Pite, danseuse chorégraphe associée au Nederlands Dans Theater ayant, pour la deuxième année consécutive récemment triomphé à l’Opéra National de Paris avec The Seasons’ Canon.

Ce soir, sa nouvelle pièce Partita for 8 Dancers est à l’honneur.

Le fond de scène, écran d’un rougeoiement intense, flamboyant par instant ou nuancée par un bande jaune solaire, conçu par Jay Gover Taylor est d’une grande sobriété qui contraste avec la complexité chorégraphique mise plus encore en relief par les éclairages sophistiqués de Tom Visser.

La musique est une partition créée par la jeune américaine Caroline Shaw (prix Pulitzer de musique 2013) où se mêlent chants et sons intitulée « Partita for 8 voices » de l’album Roomful of Teeth, faisant entrer en résonance artistique les huit voix et les huit danseurs.

La force technique et la composition chorégraphique saisissent le public par l’unisson des danses chorales, par la précision et la célérité gestuelles, par l’infini des enchainements s’immisçant les uns dans les autres, par la rigueur des postures en tension et en abandon. Des gestes de véhémence, d’appel, de consolation peuplent la danse qui évoque un rituel ou une incantation chargée de spiritualité où s’affronteraient une femme en costume blanc, une autre en rouge, un homme en noir suivis d’une cohorte de gens.

La chorégraphie s’écoule sans heurt dans une accumulation de difficultés techniques et dans une évolution à la fois très fluide et très dynamique jusqu’aux applaudissements prolongés très justifiés.  

La soirée se termine par un court troisième volet d’un quart d’heure mais d’une intensité sans relâche, Woke up blind, de Marco Goeke.

La chorégraphie est particulièrement vive, acérée, nerveuse. Sept danseurs, torses nus, athlétiques, en pantalons d’un rouge éclatant multiplient les mouvements d’une célérité inouïe, les tressaillements et tressautements ininterrompus, les courses… une façon d’exalter l’amour et l’imaginaire sur deux chansons et airs de guitare de Jeff Buckley You and I et The Way Young Lovers Do

Cette soirée est une véritable célébration de trois importants chorégraphes contemporains et du potentiel physique et expressif des danseurs du Nederlands Dans Theater, que le Festival Montpellier Danse nous a permis encore une fois d’apprécier et on l’en remercie vivement.                                                                                                    

Jocelyne Vaysse

 

                                                                                                                                                         

 

 

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