Théâtre National de Chaillot:Hip Hop

En ce début d’automne le Théâtre de Chaillot consacre la danse Hip hop. Six compagnies sont à l’affiche : R.A.F. Crew, Delphine Caron, Mourad Merzouki, Kader Attou, Wanted Posse, Bouba Landrille Tchouda.

Cette manifestation a été l’occasion d’offrir un panorama complet des expériences et des recherches artistiques de chorégraphes qui se confrontent à ce style de danse.

Nous avons choisi de donner un éclairage particulier sur quelques uns des spectacles proposés au programme du festival.

Une vraie surprise de ce festival est Boxe Boxe de Mourad Merzouki et de sa compagnie Käfig. Le chorégraphe qui a pratiqué les arts martiaux à l’adolescence, s’est ensuite consacré à la danse. Dans le même temps, il est fasciné par la boxe. Il découvre entre ces deux disciplines, apparemment éloignées, des similitudes : le ring rappelle la scène, le gong celui du lever de rideau, le jugement de l’arbitre celui des critiques.

De cette ressemblance Mourad Merzouki en lance un défi artistique : Faire jouer ensemble la danse et la boxe. L’autre originalité de Boxe Boxe est la présence du Quatuor classique Debussy qui peut, à priori, paraître fort éloigné du hip hop et de la boxe. Mais la rencontre de ces deux univers fait de ce spectacle une véritable perle.

La danse est fluide, les musiciens sont parfaitement intégrés dans la chorégraphie en évoluant sur des plateformes, les mouvements de boxe assurent toute la valeur d’un vrai langage chorégraphique, le ring classique et les punching-balls font aussi partis du décor.

Le public peut avoir ainsi l’impression d’assister à un véritable ballet classique.

Les jeux de lumière sont aussi une réussite, notamment, pendant le solo sur la musique de la Jeune Fille et la Mort de Schubert qui rendent encore plus intense l’interprétation du danseur.

Boxe Boxe constitue un spectacle remarquable au moment où la chorégraphie contemporaine ne trouve plus de nouvelles sources d’inspirations. Un mérite aussi au Quatuor Debussy qui a réussi à créer une unité sonore sans aucune interruption entre les musiques de Ravel, Verdi, Mendelssohn et Schubert ainsi que Philip Glass.

Emouvants aussi sont les remerciements des musiciens adressés au chorégraphe pour les avoir entraînés vers les horizons de la danse et pour avoir sensibiliser un public différent du leur habituellement à la musique classique.

Bouba Landrille Tchouda, avec sa pièce Murmures, s’est penché sur le thème de l’enfermement. De sa longue expérience d’intervenant en maison d’arrêt et auprès d’handicapés physiques et mentaux, il a gardé une sensibilité aigue pour tous les états d’empêchement du corps.

Avec des successions de solos et de duos, à la fois intenses et violents, Nicolas Majou et Bouba Landrille Tchouda expriment toutes leurs émotions, le désir de liberté. Symboliquement leur corps se mue en cages, leurs mouvements semblent libératoires, les danseurs manifestent ainsi leur volonté de briser toute barrière. Dans un décor épuré aux tonalités grises, composé essentiellement de lits superposés, d’un petit lavabo et d’un mur, les

interprètes ont donné à voir au public une belle performance émouvante.

Changement de registre avec Racines de la compagnie Wanted Posse composée de huit danseurs tous d’origines différentes : malienne, camerounaise, zaïroise, cambodgienne, laotienne, auvergnate. L’hétérogénéité en est la protagoniste, toutes les diversités ethniques disparaissent grâce à la danse, langage qui les unit. Racines nous capture par son énergie, sa syntonie, l’enthousiasme de ses danseurs ainsi que leurs prouesses techniques. Une ovation du public accompagne leur exhibition qui se conclue par un solo-salut de chacun des interprètes.

La compagnie de Kader Attou offre un spectacle encore différent. On peut apprécier les tableaux harmonieux, sa valeur figurative. Inspirée par la symphonie n.3 de Henryk Mikolay Gorecki Symfonia piesni zalosnych est conçue à partir de la musique suivant précisément le tempo de la partition. De celle-ci émanent des émotions que l’interprétation des dix danseurs retranscrit durant toutes leurs exécutions. Les moments d’immobilité se succèdent et reviennent toujours avec délicatesse. Dans ce spectacle le chorégraphe s’éloigne du langage typiquement hip-hop pour créer une pièce qui laisse cependant le public quelque peu perplexe.

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