Une autre passion

Chorégraphie : Pontus Lidberg

Distribution : Ballet du Grand Théâtre de Genève

Musiques : La Passion selon Saint Matthieu de J.S.Bach

ph.Gregory Batardon

Une autre passion est le titre de la nouvelle création de Pontus Lidberg présentée du 28 mars au 6 avril à l’Opéra des Nations avec le Ballet du Grand Théâtre de Genève. Le chorégraphe norvégien avait déjà travaillé avec cette compagnie au cours de la saison 2012-2013 en présentant une nouvelle version de Giselle où « Loin d’en faire un ballet fixé dans une époque révolue, le chorégraphe choisit d’ancrer l’intrigue à notre époque ».

Cette fois encore, Pontus Lidberg réalise une pièce dans laquelle il montre toutes ses capacités à s’inspirer de sujets déjà existants, que ce soit dans le champ musical ou chorégraphique, pour les transformer grâce à sa réécriture personnelle.

Le point de départ est la Passion selon Saint Matthieu de Bach, œuvre consacrée à la souffrance et à la passion du Christ. Dans ce ballet, le chorégraphe dépasse le concept de passion tel qu’il est illustré dans la musique du compositeur pour nous présenter « une autre passion » plus terrienne et humaine, qui n’a rien à voir non plus avec toutes les interprétations que les philosophes occidentaux avaient attribué à ce mot pendant des siècles. En fait, la passion identifiée comme sentiment humain avait une connotation négative chez Platon, les Stoïciens et les Epicuriens. Seulement à la fin du XVIIIème siècle, on avait pu constater sa réhabilitation grâce à Rousseau et ensuite à Hegel, Heidegger ou bien encore à Fourier, qui la considéraient, au contraire de leurs prédécesseurs, comme un élément positif et fondamental pour le cursus de la vie.

Et comment peut-elle donc être identifiée cette « autre passion » ? Il s’agit d’un sentiment délicat qui réunit et éloigne en même temps. La chorégraphie de Pontus Lidberg a des images majestueuses de pureté et fluidité. Le style abstrait de cette création se fonde sur le respect de lignes géométriques parfaites que les corps des danseurs créent avec maîtrise.

Pontus Lidberg apporte aussi à une scénographie plutôt simple, faite de six mues, l’installation d’un écran pour y projeter des vidéos qui montrent un homme dans les abysses de la mer.  Cette image, où l’homme se trouve dans tout un autre élément physique qui n’est pas la terre, pourrait-elle symboliser l’état de passion ? C’est la question à laquelle le chorégraphe nous laisse réfléchir mais, entre-temps, ces parenthèses filmées à l’intérieur du ballet constituent des moments non de rupture mais d’enrichissement du spectacle. Ce sont des moments silencieux où le public peut se concentrer sur sa pensée. Sur le haut de la scène, une structure aux tons blanc et gris, comme un ciel d’orage menaçant, surplombe les danseurs tout au long du ballet. La musique de Bach dégage toute sa force spirituelle et accompagne cette création qui nous laisse émerveillés par sa beauté.

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