We’re pretty fuckin’far from okay

Chorégraphie : Lisbeth Gruwez

Distribution : Wannes Labath et Lisbeth Gruwez

Musiques : Maarten Van Cauwenberghe

Leif Firnhaber

Pour ceux qui ont vu un jour Lisbeth Gruwez interpréter le solo créé pour elle par Jan Fabre, en 2004, Quando l’Uomo è una donna, il est difficile d’oublier cette extraordinaire performeuse et sa façon de glisser entièrement nue sur un sol imprégné d’huile d’olive, les dernières minutes d’une pièce où, longtemps habillée en strict tailleur Saint Laurent, et tout en fredonnant la chanson italienne Volare, elle dévissait tranquillement de petites capsules suspendues au-dessus d’elle, laissant s’échapper peu à peu l’huile dans laquelle elle allait se rouler à une vitesse sidérale.

Il fallait toute l’élégance et le côté racé de cette Flamande, plus séduisante que sensuelle, pour éviter le numéro de cabaret et conférer à ce solo la beauté d’une nudité à la fois pure et fragile. Aucune des interprètes successives n’ont pu atteindre cet équilibre. Depuis lors, la danseuse qui, à peine sortie de PARTS (l’école d’Anne Teresa De Keersmaeker), fut interprète chez Wim Vandekeybus avant d’intégrer la compagnie Troubleyn de Fabre, a créé sa propre compagnie (Voetvolk) et se consacre à la chorégraphie, le plus souvent des solos qu’elle interprète elle-même. Toujours avec la même énergie physique qu’elle mettait au service des chorégraphes avec qui elle travaillait, Lisbeth Gruwez continue de creuser ce que peut un corps, ce qu’il peut dire au-delà des mots, ce qu’il éprouve et peut faire éprouver. Avec aussi un souci de la forme, des lignes, du dessin dans l’espace qu’elle a hérité sans doute de sa première formation classique.

Le duo qu’elle vient de présenter dans le cadre du Festival Faits d’Hiver est le troisième volet d’un triptyque commencé en 2012 avec It’s going to get worse and worse and worse, my friend, puis AH/AH.

We’re pretty fuckin’far from okay analyse la peur, la panique et les stratégies de fuite engendrées par les attentats et la violence que connaît le monde contemporain.

Sur le plateau, juste deux chaises, un éclairage minimaliste mais efficace et deux individus dont on ignore s’ils forment un couple ou s’ils se trouvent là par hasard. Longtemps assis sur leur chaise, sans bouger, ils font peu à peu monter une tension soutenue par le son du compositeur et musicien Maarten Van Cauwenberghe, jusqu’à l’affrontement.

Règlements de comptes, abus de pouvoir et viols se mêlent à une cruauté gratuite sans qu’on ne puisse détacher son regard de ce combat dégradant. Et l’impasse à laquelle aboutissent les deux  personnages (interprétés par Lisbeth Gruwez et Wannes Labath) est encore plus désespérante que la violence avec laquelle ils se déchirent. Aucun effet ne vient s’ajouter à cette proposition radicale qui ne se soutient que de la forte présence scénique de Wannes Labath et surtout de Lisbeth Gruwez. Même immobile, celle-ci habite le plateau et dégage une force qui se respire et se répand dans l’air du théâtre. Lisbeth Gruwez ou comment tenir le public en haleine !!

                                                                                                                                                                                                                                 Sonia Schoonejans

 

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