Opéra et Ballet national de Norvège : Jocasta’s Line de Wayne McGregor
Chorégraphie : Wayne McGregor
Musiques : Igor Stravinsky, Sami Moussa

Antigone-Grete Sofie Borud Nybakken-ph.Erik Berg-The Norwegian National Opera & Ballet
Jocasta’s Line est la nouvelle création présentée par l’Opéra et le Ballet national de Norvège, une œuvre totale qui conjugue danse, chant et musique faisant appel à la mythologie grecque et, précisément, s’inspirant des figures de Jocasta, Œdipe, son fils et mari et de sa fille Antigone, héroïne de la tragédie de Sophocle.
Pour les musiques, cette nouvelle production choisit pour le premier acte l’œuvre d’Igor Stravinsky, Oedipus Rex composée en 1927 sur un livret de Jean Cocteau et pour le deuxième acte la création du compositeur canadien Samy Moussa, Antigone.
Le chorégraphe anglais Wayne McGregor, de renommée internationale, signe les tableaux dansés. Son travail a permis une intégration totale de la danse avec les émotions exprimées par la musique et par les chanteurs.
Le premier acte, dédié à la tragédie d’Œdipe révèle que ce dernier est le tueur de son père ; les danseurs anonymisés par des masques noirs qui recouvrent leurs visages, rendent visibles les troubles de l’âme d’Œdipe en amplifiant les phrases chantées par le ténor Paul Appleby. Ils dansent en groupe de manière synchrone, simulant parfois une marche sur place. Le décor est minimaliste, composé par des structures géométriques mobiles interchangeables. La qualité des voix et l’expressivité dégagées par l’interprétation des chanteurs accompagnés par un chœur majestueux mettent en exergue la tragédie réservée à Œdipe. Jocaste, sa mère et épouse (la mezzo-soprano Dame Sarah Connolly) est très autoritaire sur scène, contrastant avec la personnalité plus faible de son fils et mari.

Oedipus Rex-Paul Appleby-ph.Erik Berg-The Norwegian National Opera & Ballet
La deuxième partie du spectacle est dédiée à Antigone. Ici la danse assume un rôle primaire. Le travail de Wayne McGregor surprend par la fluidité qui caractérise les séquences dansées du début à la fin de l’acte. La douceur, la tristesse et la résilience émergent d’un style chorégraphique qui reste épuré et linéaire. Dans le passé, le chorégraphe nous avait habitué à un langage plus âpre constitué plutôt de déséquilibres et de positions désaxées. Cette fois il conçoit pour les danseurs des gestes plus simples mais plus touchants, accompagnés de l’élasticité du tronc et du buste.
L’interprète principale d’Antigone – la danseuse étoile Grete Sofie Borud Nybakken – exécute des mouvements plus amples qui symbolisent son désir de paix et de justice et qui accentuent son expressivité.

Antigone-Grete Sofie Borud Nybakken et Ricardo Castellanos-ph.Erik Berg-The Norwegian National Opera & Ballet
La création musicale de Samy Moussa, écrite uniquement pour chœur avec des sonorités tristes, a aussi une structure qui se développe comme si elle incarnait une trame narrative, et cette caractéristique se révèle particulièrement appropriée pour l’argument du ballet, même si la chorégraphie reste abstraite. Plusieurs pas de deux constituent cette deuxième partie : ils sont intimes, les danseurs s’approchent pour ensuite s’éloigner, en évoquant la souffrance et oppositions qui ont amené au duel mortel des deux frères d’Antigone. Celle-ci reste forte et dégage sa pureté d’âme à travers sa danse intense qui inclut moments d’abandon, afin de contrecarrer la décision de son oncle Créon opposé aux funérailles du frère de la jeune fille.

Antigone-Melissa Hough, Ricardo Castellanos, Jonathan Olofsson, Grete Sofie Borud Nybakken-ph.Erik Berg-The Norwegian National Opera & Ballet
Une lumière rouge enrobe le corps de la protagoniste et marque sa fin tragique. Malgré les tissus narratifs qui animent cet opéra ballet, le spectateur est enveloppé par l’atmosphère et les émotions que tous les artistes nous transmettent.
Chaque tableau nous laisse ressentir les sentiments sans avoir à nous focaliser sur la recherche d’un fil conducteur. Ainsi, les corps des chanteurs et des danseurs parlent et transmettent au public leurs vibrations. L’ovation finale consacre cette œuvre, capable de revivifier les mythes grecs grâce à sa structure contemporaine qui investit tous les éléments du spectacle.
Jusqu’au 4 octobre 2025
Oslo, Opéra national de Norvège, 19 septembre 2025
Antonella Poli