Biennale de la Danse de Venise 2020

ph. Pierre Planchenault

Dans le cadre de la XIVème édition du Festival international de danse contemporaine – Biennale de la danse de Venise, le 15 Octobre dernier Claudia Castellucci a reçu le Lyon d’argent, prix couronnant sa carrière. A l’occasion elle a présenté son œuvre Fisica dell’aspra comunione créée sur la musique du Catalogue des oiseaux de Olivier Messiaen, jouée par le pianiste Matteo Ramon Arevalos. « J’ai été inspirée par cette partition car le chant des oiseaux est difficilement mesurable et il est riche de pauses et de silences », affirme la chorégraphe. En fait, comme nous expliquerons ci-après, ces deux éléments rythmiques sont à la base de ses recherches chorégraphiques.

Aux origines de son parcours professionnel, la chorégraphe créa avec son frère Romeo et avec Chiara et Paolo Guidi la Sociètas Raffaello Sanzio, une compagnie de théâtre qui se proposait de réinventer le langage dramatique pour expérimenter de nouvelles formes de langage théâtrale.

Mais son travail de chorégraphe s’affine au fil du temps d’abord grâce à l’institution de l’Ecole Mora et en suite, en 2019, avec la création de sa propre compagnie. Sa méthodologie de travail est fondée sur un système rigoureux de principes visant à recréer et interpréter les espaces musicaux, notamment les pauses et les silences. Claudia Castellucci fait aussi référence aux premiers vers des Olympiques du poète grec Pindare pour identifier la nature de la danse : « L’eau est la plus précieuse des choses et l’or, semblable à un feu qui rayonne dans la nuit, brille d’un vif éclat qui rayonne dans la nuit ». L’eau est l’élément doué d’un mouvement continu, qui varie dans le temps sans jamais perdre son essence, comme d’ailleurs le feu ; l’or n’est pas en réalité une couleur mais un ton qui en même temps reflète et absorbe la lumière comme la danse qui est créée pour se manifester au public dans l’instant de sa vision. Son style, baptisé « Danza Trapassante » explore les possibilités du corps du danseur comme instrument de création et de valorisation des aspects les plus profonds et invisibles de la musique.

En fait, Claudia Castellucci explique, « j’ai fondé la danza trapassante à partir de mes recherches sur le rythme, ce qui m’a amenée à créer des Bals, formes chorégraphiques où je pouvais commencer à faire émerger les qualités cachées de la musique, notamment le temps en levé, les silences et les pauses. Ceux-ci constituent aussi ses aspects substantiels. Le temps musical a une caractéristique particulière, celle de pouvoir se prolonger et apparaître au-delà de la mesure fixée dans la partition grâce à l’écho, créant un rapport avec le temps passé qui n’est pas complètement éteint. Mon but était celui de creuseur dans ces espaces musicaux, habituellement oubliés, pour les faire ressurgir. Cela influence mon rapport avec l’espace qui est conséquent à celui avec le temps. Par exemple, mes chorégraphies ne sont jamais construite à partir d’une répartition géométrique de l’espace.

Je définirais ma danse avec l’adjectif « saturée » pour exprimer son degré de difficulté. Elle est aussi libre car mes mouvements dépassent tout schéma, mais cela ne veut pas dire qu’il s’agit d’une danse spontanée. Quand on danse, il faut prendre en compte non seulement notre monde intérieur mais aussi la musique, les rapports avec les autres danseurs sur la scène. Le public sera ainsi stimulé à interpréter ce qu’il voit. A cet égard, je pense que la finalité du danseur ne doit pas être celle d’exprimer des émotions et ses sentiments qui au contraire doivent rester voilés pour permettre au public de les « sentir ». Les sensations ressenties par les spectateurs se transmettent par le corps du danseur et son interprétation est une activité réelle très intéressante, lointaine de nos actes ordinaires et impliquant la dissimulation. Je suis encore en train de chercher une danse qui puisse témoigner des pensées inexprimables de notre esprit ».

Il est intéressant de signaler le travail pédagogique effectué en juin dernier par Claudia Castellucci à l’Ecole d’Art dramatique Paolo Grassi de Milan où elle a réalisé, sur invitation de la responsable du Cours pour danseurs Marinella Guatterini, une masterclass suivie d’une création chorégraphique toujours sur la musique du Catalogue des Oiseaux de Messiaen pour les élèves de la troisième année qui ont ainsi conclu leur cursus d’études. La réponse des jeunes danseurs a été très positive et tous ont manifesté leur enthousiasme vis-à-vis de la méthode rigoureuse de la chorégraphe.

Propos recueillis par Antonella Poli

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