Ballet de l’Opéra national de Paris : Contrastes
Chorégraphie : Trisha Brown, David Dawson, Imre et Marne van Opstal
Distribution : Les étoiles, les premières danseuses, les premiers danseurs et le Corps de Ballet de l'Opéra de Paris

O zozlony O composite-Dorothee-Gilbert, Marc Moreau, Guillaume Diop-ph.Benoite Fanton
La programmation à l’Opéra Garnier du Ballet de l’Opéra national de Paris prévoit pour tout le mois de décembre un programme mixte, Contrastes. Il permet de réapprécier le style de Trisha Brown, de découvrir le langage de David Dawson et des deux jeunes chorégraphes néerlandais, Imre et Marne van Opstal.
Le retour de Trisha Brown
Trisha Brown est une des chorégraphes majeures du XXè siècle, pionnière de la danse américaine des années 50, devenue célèbre pour avoir développé un langage chorégraphique basé sur un « abstractionnisme logique » et pour la création d’un « mouvement pur ».
En ouvrant le programme nous retrouvons après vingt ans, sa pièce O złożony / O composite. Elle l’avait créé en 2010 sur invitation de Brigitte Lefevre qui avait proposé à la chorégraphe américaine de travailler directement avec des danseurs de l’Opéra de Paris.
Le blanc des costumes des danseurs, par ailleurs adoptés aussi dans d’autres de ses oeuvres, notamment Line Up et Glacial Decoy, contraste et éclaire le ciel noir étoilé qui constitue le seul élément de décor. Les trois étoiles, Dorothée Gilbert, Marc Moreau et Guillaume Diop, alternent des duos et trios, leur plastique défiant les lois de la gravité. Leurs corps vainquent les notions de poids et d’effort, les portés sont suspendus dans l’air et exécutés parfaitement, en concevant des évolutions harmonieuses semblables à celles d’un oiseau. Mais cette référence animalière n’est pas fortuite.
En effet, c’est un poème polonais de Czeslaw Milosz, Ode à un oiseau, qui inspire la musique de Laurie Anderson, tout comme Trisha Brown s’appuie sur le rythme des dix premiers vers du poème Renascence (Renaissance,1912) de l’autrice américaine Edna St. Vincent Millay pour créer l’enchaînement de ses séquences chorégraphiques. Ce texte représente pour Trisha Brown la rencontre avec des paysages montagneux, avec une forêt et la mer, ces mêmes éléments naturels ayant marqué son enfance. Et à partir des vingt-six lettres qui composent le premier vers du poème, ALL I COULD SEE FROM WHERE I STOOD, la chorégraphe crée pour chaque danseur six « alphabets chorégraphiques » différents, trois caractéristiques de danse moderne américaine et les autres empruntés au langage classique.
- O zozlony / O composite-Dorothee Gilbert,Guillaume Diop-ph.Benoîte Fanton
- O zozlony / O composite-Dorothee Gilbert, Guillaume Diop-ph.Benoîte Fanton
Des angles, des lignes droites et croisées, des mouvements circulaires produisent une danse fluide, continue, sans interruption, offrant à chaque instant des sculptures magiques, évanescentes qui conduisent le public vers un univers mystérieux de notre galaxie.
Toujours de Trisha Brown, le deuxième ballet présenté fait son entrée au répertoire pour le Ballet de l’Opéra de Paris. Il s’agit du solo If you couldn’t see me (1994), né de l’étroite collaboration entre la chorégraphe américaine et Robert Rauschenberg, tous les deux artistes engagés au sein du Judson Church Dance Theater.
L’originalité de ce bijou de dix minutes demeure dans le fait que l’interprète féminine, l’étoile Hannah O’Neill, tourne le dos au public pendant toute sa performance. L’enchaînement des articulations de son corps dessinent des structures mobiles, permettant au public de découvrir des espaces inédits, des nouvelles formes géométriques. Son imaginaire est libre de voyager avec son regard pour percevoir de nouvelles sensations de mouvement et être surpris par la vaste gamme de capacités motrices. C’est l’invisible de la danse qui s’ouvre à partir du visible, constitué par le corps de la danseuse, sublime dans son interprétation.
- If you couldn’t see me-Hannah O’Neill-ph.Benoîte Fanton
- If you couldn’t see me-Hannah O’Neill-ph.Benoîte Fanton
Le dynamisme de Davis Dawson
Anima Animus (2017) de David Dawson sur les musiques du Concerto per violon n.1 d’Ezio Bosso, constitue aussi une entrée au répertoire. Le titre évoque la distinction effectuée par Carl Jung entre le côté masculin et le féminin de la psyché. Le ballet excelle par sa virtuosité, par le souffle qui en émane, par son dynamisme, tous éléments capables de restituer une œuvre emplie de beauté.
Derrière ses qualités abstraites et les lignes géométriques et symétriques qui caractérisent la chorégraphie, surtout grâce à des arabesques récurrentes et des portés structurés, les danseurs restent libres d’imprégner leurs mouvements avec différentes qualités de mouvement. Et pour cela, Bleuenn Battistoni, Valentine Colasante Marc Moreau, Paul Marque, Germain Louvet, Andrea Sarri Hohyun Kang, Bianca Scudamore, Clara Mousseigne, Elizabeth Partington, ne manquent pas au rendez-vous, en faisant émerger leurs qualités artistiques.
- Anima Animus-Bleuenn Battistoni, Germain Louvet, Paul Marque-ph.Benoîte Fanton
- Anima Animus-Bleuenn Battistoni, Germain Louvet, Paul Marque-ph.Benoîte Fanton
Les ports de bras, reproduisant souvent une forme de V, fendent l’air. Anima Animus élimine l’immobilité pour obtenir une danse au sens continu, en perpétuel mouvement, en enrichissant la technique avec des torsions et des spirales, tout en gardant une impression de fluidité et d’organicité.
Dans son dynamisme virtuose, la pièce met en même temps en exergue l’individualité et la syntonie entre les partenaires, entre passages aériens et d’autres plus ancrés au sol.
L’univers de Imre et Marne van Opstal
Drift Wood de Imre et Marne van Opstal clôt la soirée. C’est leur première création pour le Ballet de l’Opéra de Paris. En seulement cinq ans, ils ont su s’affirmer sur la scène internationale avec des productions pour le Ballet BC, le Goteborgoperans Danskopani, le Hessisches Ballet ou encore le SemperOper Ballet Dresden.
Ex interprètes du NDT1 et du NDT2, ils appartiennent à une famille où la danse les a éduqués dès le plus jeune âge. Leur univers évoque souvent les relations humaines qui se concentrent sur des histoires d’amour.

Drift Wood-ph.Benoîte Fanton
Cette nouveauté pour l’Opéra de Paris montre leur recherche pour un langage contemporain fluide capable d’exprimer des états émotionnels. Le contraste entre le couple principal cherchant à consolider leur union et un groupe collectif dispersé est évident, mais si le début de la pièce gardait une certaine cohérence, elle s’évanouit surtout dans sa partie centrale quand la tension redescend.
On suivra leur évolution dans les années à venir.
Contrastes, Palais Garnier, jusqu’au 31 décembre 2025
Antonella Poli





