Ballets de Monte-Carlo : William Forsythe et Paul Lightfoot enchantent l’Opéra Garnier

Chorégraphie : William Forsythe et Paul Lightfoot

ph.Alice Blangero

Les Ballets de Monte-Carlo dirigé par Jean-Christophe Maillot, ont proposé du 23 au 26 octobre dernier, un double programme composé par une des pièces phares de William Forsythe, Herman Schmerman et une création, See you de Paul Lightfoot, une première absolue signée par le seul chorégraphe, après quarante ans de collaboration avec Sol Léon.

Le ballet Herman Schmerman créé en 1992, est composé d’un pas de deux et d’un pas de cinq. Ce dernier, écrit pour le New-York City Ballet convoque sur scène trois danseuses (Lydia Wellington, Romina Contreras, Cara Verschraegen) et deux danseurs (Daniele Delvecchio et Michele Esposito) ; ils mettent en exergue le vocabulaire du chorégraphe et sa manière de construire et de faire danser l’espace en s’inspirant des concepts labaniens pour aller chercher les extensions maximales des mouvements sur scène.

A travers les séquences d’ensemble et les solos, le chorégraphe exalte la danse classique et son désir de la faire évoluer vers un art plus vivant. Les mouvements qui exigent une parfaite maîtrise de la technique sont rapides, soutenus par le rythme brillant de la musique de Thom Willems, partenaire fidèle de William Forsythe.  Petits pliés, jetés-battus, arabesques et développés exaltent les lignes allongées des corps des interprètes et créent une esthétique basée sur une danse intériorisée par les corps des danseurs : certes, il y a la beauté formelle des lignes, mais ce qui fait la différence, c’est la perception d’un mouvement global qui traverse chaque corps et qui se manifeste avec une grande énergie et tension corporelle.

Dans le duo qui suit, ajouté par Forsythe quelques mois plus tard à la version initiale de la pièce lors de la recréation pour le Ballet de Francfort, la danse évolue en devenant par moments plus ludique et en employant des mouvements plus libres du buste. Juliette Klein et Simone Tribuna sont des interprètes magistraux de ce pas de deux qui se relie au quintet précédent avec le même esprit de divertissement en consacrant le mouvement dansé.

La création See You de Paul Lightfoot est une pièce qui touche par sa tendresse. Le chorégraphe anglais conçoit pour le spectateur un voyage d’émotions soutenues par un choix musical qui alterne les musiques mélancoliques de Max Richter avec celles plus rythmées de Kate Bush. Leurs couleurs opposées reflètent les états sentimentaux des interprètes sur scène.

Le public est déjà invité à entrer dans l’esprit de la pièce dès la fin de l’entracte : un quintet d’arches qui joue une des musiques de Max Richter l’accompagne pendant la reprise des places dans la salle de l’Opéra Garnier. Cette proximité entre les spectateurs et l’ouverture dansée sont dans la continuité dès de la pièce. En fait, en solo ou en couple, les danseurs se présentent non pas sur scène mais dans la salle, au bord du plateau. Leurs positions statiques et leur expressivité se manifestent à travers les gestes des bras, des mains et les regards.

ph.Alice Blangero

Dans sa note d’intention, Paul Lightfoot affirme que « cette création chorégraphique s’inspire de la vie et de l’œuvre d’un danseur…La carrière des danseurs est aussi éphémère et fragile que les ailes d’un papillon. L’environnement intense du studio est un microcosme émotionnel où se développent souvent amour et relations ».

Mais en réalité, la pièce, à travers les duos où les danseurs s’entremêlent, les solos et les parties d’ensemble, universalise cette idée car les différents tableaux représentent des miroirs d’expériences de vie avec leurs moments de tendresse, tristesse, inquiétude, et d’amour. La gestuelle est minimaliste mais elle dégage une forte expressivité grâce à sa profondeur d’exécution des interprètes et sa valeur symbolique. La pièce réserve aussi des séquences vivaces où les danseurs exaltent la danse avec leurs sauts et la vivacité d’interprétation. Malgré les nombreux tableaux et les changements de style des musiques, elle garde sa cohérence du début à la fin, ne perdant jamais d’intensité. Le final fait allusion à la note d’intention du chorégraphe car une vidéo projetée sur scène montre deux danseurs quitter le théâtre pour se retrouver et perdre leurs regards dans l’immensité de la mer. L’éphémère de l’art de la danse lié à brièveté des carrières réserve aussi une autre vie…

Cette création est bien réussie et invite Paul Lightfoot à continuer à poursuivre sa créativité, même de façon autonome. Il nous semble qu’il a trouvé une nouvelle dimension, apaisée et confiante, moins troublée par des clairs-obscurs comme cela pouviat apparaître dans des précédentes créations.

L’ovation du public est la preuve du succès de ce ballet partagé entre les danseurs des Ballets de Monte-Carlo et le chorégraphe.

Monaco, Opéra Garnier, 25 octobre 2025

Antonella Poli

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