Théâtre alla Scala de Milan : Paquita de Pierre Lacotte

Chorégraphie : Pierre Lacotte

Distribution : Alice Mariani, Navrin Turnbull, les solistes et le Corps de Ballet du Théâtre alla Scala de Milan

Musiques : Edouard Deldevez et Ludwig Minkus

Alice Mariani, Navrin Turnbull et le Corps de Ballet-ph.Brescia et Amisano

 Paquita de Pierre Lacotte a été présentée au Théâtre alla Scala de Milan du 11 au 26 juin dernier, une nouvelle production qui marque son entrée au répertoire de la compagnie de ballet du théâtre milanais.

Répères historiques et la version de Pierre Lacotte

Cette œuvre fut créée à Paris le 1er avril 1846 à l’Académie Royale de Musique de Paris (aujourd’hui Opéra national de Paris), avec la chorégraphie de Joseph Mazilier, les musiques de Edouard Deldevez et comme interprètes principaux dans les rôles de la jeune gitane Paquita et de l’officier français Lucien d’Hervilly, la célèbre Carlotta Grisi et Lucien Petipa.

Pierre Lacotte, se plonge dans les sources et présente sa version à l’Opéra national de Paris en 2001, après avoir été presque obsédé à vouloir faire renaître ce ballet dont on connaissait seulement le Grand Pas et le pas de trois. Le chorégraphe français avait eu la chance d’être un élève de Ljubov Egorova et de Carlotta Zambelli, toutes les deux interprètes du rôle de Paquita dans les années 1900-1910.

Il retrouva en Allemagne le livret de la mise en scène de la version originale avec la pantomime de l’époque et une variation de Joseph Mazilier, celle de l’entrée en scène de Paquita du premier acte, retranscrites par un maître de ballet de l’époque. C’est le début du travail chorégraphique de Lacotte qui a ressuscité Paquita en conservant quand même les éléments historiques retrouvés.

Il effectue seulement un changement important : le pas des manteaux dansé dans la version originale par des femmes déguisées en hommes, est aujourd’hui est interprété exclusivement par des danseurs.

Cette version est éblouissante, vivace, en incarnant l’atmosphère riche de caractères de l’Espagne. Mais s’y ajoutent aussi des éléments qui rappellent la tradition de la danse classique française, dont le chorégraphe était un célèbre connaisseur et défenseur : on retrouve des passages très techniques qui mettent en valeur l’habilité des mouvements du bas de jambe, les épaulements, les pas de valses qui se répètent à plusieurs reprises dans la chorégraphie.

La pantomime est présente surtout dans la deuxième scène du premier acte mais elle bien dosée et discrète, utilisée juste pour faire comprendre au public le déroulement de l’argument.

Paquita aujourd’hui et ses interprètes

La première danseuse Alice Mariani et le sujet Navrin Turnbull dansaient les rôles principaux de Paquita et de Lucien d’Hervilly le soir de la dernière représentation. La danseuse brille : dès sa première variation avec un manège et puis dans le pas de deux avec son partenaire, elle a imposé sa personnalité et toutes ses qualités techniques. Les deux interprètes s’imposaient sur scène, leur entente et aisance augmentaient au fil de la représentation.

Un des moments les plus importants du premier acte est le pas de trois, très technique, bien dansé par Camilla Cerulli, Linda Giubelli et Alessandro Paoloni.

A remarquer dans la deuxième scène du premier acte la forte personnalité de Christian Fagetti, dans le rôle de Iñigo, le chef de gitans, qui a su s’exprimer avec sa gestuelle naturelle et plus expressive surtout dans les passages de pantomime, en allégeant sa valeur narrative.

Le deuxième acte consacre finalement l’union de Paquita avec Lucien d’Hervilly, ayant miraculeusement échappé à la mort grâce à la malice de la jeune fille face à Iñigo, qui voulait la garder sous sa protection.

Alice Mariani et Navrin Turnbull-ph.Brescia et Amisano

La danse classique est mise à l’honneur, avec toutes ses difficultés, ses figures, ses pas virtuoses et aussi ses notes romantiques. L’héritage de l’esprit de Marius Petipa est présent dans le Grand Pas ; puis la danseuse enchaîne pirouettes, manèges, séquences avec des pas de bourrés dessus dessous suivis par des piqués jusqu’à la série de fouettés où Alice Mariani a été fulgurante.

Navrin Turnbull lui répond avec de grands sauts, des brisés et des grands jetés. Les deux interprètes principaux sont entourés par un Corps de Ballet qui danse à l’unisson et qui contribue à l’harmonie visuelle grâce à sa précision. A noter que la chorégraphie créée des géométries spatiales entre, notamment, les figures exécutées par Paquita et celles du Corps du Ballet, ce qui permet d’apprécier encore plus sa finesse.  On a envie de danser tant est l’énergie, le rythme et les vibrations que ce spectacle dégage grâce à tous les artistes. Le public a été conquis et reconnaît avec ses longs applaudissements la qualité de la performance de tous les interprètes.

Navrin Turnbull et le Corps de Ballet-ph.Brescia et Amisano

Le couple Mariani-Turnbull sera à nouveau sur scène le 10 et le 17 juillet dans les rôles d’Odette/Odile et du Prince Siegfried du Lac de Cygnes de Rudolf Noureev, dernier spectacle avant la pause estivale du Ballet du Théâtre alla Scala. Un autre grand chef-d’œuvre pour ces deux jeunes interprètes qui auront encore une fois la possibilité d’imposer leurs personnalités et capacités.

Milan, Théâtre alla Scala, 26 juin 2025

Antonella Poli

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