Bertaud/Bouché/Paul/Valastro

Chorégraphie : Sébastien Bertaud, Bruno Bouché, Nicolas Paul, Simon Valastro

Distribution : Les étoiles, les premiers danseurs et le Corps de Ballet de l'Opéra National de Paris

Renaissance-ph.Julien Benhamou

Du 13 au 18 Juin, l’Opéra National de Paris présente une soirée créations confiée à quatre jeunes chorégraphes, tous avec une carrière de danseurs développée au sein la grande maison parisienne : Sébastien Bertaud, Bruno Bouché, Nicolas Paul et Simon Valastro.

Il s’agit d’une carte blanche qu’Aurélie Dupont a voulu donner à ces artistes. Ce beau programme, bien construit et varié de par les styles adoptés,  montre toute l’hétérogénéité des sensibilités artistiques des quatre chorégraphes. Bien qu’ils soient tous porteurs de leur héritage classique, ils se démarquent chacun l’un de l’autre, en montrant l’évolution de leur recherche chorégraphique personnelle.

Sébastien Bertaud, sujet de l’Opéra National de Paris et chorégraphe, ouvre les danses avec Renaissance, sa première création pour l’Opéra de Paris.

Son projet s’appuie sur sa conviction qu’aujourd’hui il faut faire revivre la structure du ballet classique pour le rapprocher d’une sensibilité plus contemporaine sans opérer de coupure brutale. Un autre point de départ que tient à cœur le chorégraphe est l’idée de faire se perpétuer les liaisons entre la danse et le monde des grands créateurs de mode. Ses références sont par exemple l’époque des Ballets Russes où Coco Chanel avait signé les costumes pour Le Train Bleu (1924), ou bien Yves Saint Laurent qui avait travaillé avec Roland Petit pour Notre Dame de Paris (1965), ou encore Cristian Lacroix déjà auteur en 2000 des costumes de Joyaux de Balanchine et cette année de ceux du Songe d’une Nuit d’Eté, toujours du chorégraphe américain, pour l’Opéra National de Paris. Il s’agissait de reprendre cette continuité.

Sébastien Bertaud confie donc la création des costumes à Olivier Rousteing, directeur artistique de la Maison Balmain, pour d’une part habiller et illuminer encore plus sa chorégraphie et d’autre part apporter un regard générationnel sur le monde du ballet.  Le résultat est un accord parfait entre la créativité artistique liée au monde de la mode et celle de la danse.  On retrouve dans Renaissance tout l’héritage culturel et les canons de la technique classique, mais déployés autrement, avec des postures contemporaines qui s’intègrent à la beauté et à l’élégance du langage classique. Il ne faut pas toujours croire que le mot modernité est synonyme de déconstruction et de brutalité.

C’est un ballet « royal » par la richesse de ses images qui parfois nous rappellent le rythme de certaines séquences de Symphonie en C de Balanchine.

Des interprètes d’exception sont un autre point fort de cette création : trois étoiles, Amandine Albisson, Dorothée Gilbert, Hugo Marchand, deux premiers danseurs, Hannah O’Neill et Audric Bezard, avec des danseurs très talentueux du Corps de Ballet. La musique expressive de Felix Mendelssohn Bartholdi, le Concerto pour violon n°2, op. 64 permet de créer un dialogue étroit et sensible entre la musique et la danse.

La deuxième pièce de la soirée, The Little Match Girl Passion de Simon Valastro, est conçue autour du conte d’Andersen La Petite fille aux allumettes (1846). Le chorégraphe ne suit pas une structure narrative. Il construit sa chorégraphie plutôt autour de la représentation des sentiments et des objets emblématiques qui animent le texte de l’écrivain danois : le désarroi de la jeune fille, les allumettes, la perception douloureuse du froid, le sens de compassion. Simon Valastro va encore au-delà de la transposition du texte, en introduisant une figure féminine intermédiaire entre la jeune fille et sa grand-mère. Il s’agit de créer un lien temporel entre les consciences de ces deux protagonistes.

En choisissant la musique de David Lang, The Little Match Girl Passion, le chorégraphe laisse entrevoir  aussi une sorte de parallélisme entre l’histoire de la Petite fille aux allumettes et la Passion du Christ. C’est un esprit religieux qui  ressort de cette pièce, mis encore plus en valeur par la présence sur scène de quatre chanteurs, auteurs d’une belle et intense interprétation. Les étoiles Eleonora Abbagnato et Marie-Agnès Gillot incarnent l’âme de cette pièce en lui donnant le juste degré de spiritualité.

Bruno Bouché, qui prendra en septembre prochain la direction du Ballet de l’Opéra du Rhin, présente Undoing World, une création profonde qui s’appuie sur la réflexion philosophique de Gilles Deleuze autour de Spinoza et des concepts d’Immortalité et d’Eternité. Le chorégraphe alterne les sonorités de la voix du philosophe français avec celles d’Undoing Worlds de The Klezmatics , musique adaptée par Nicolas Worms.

A partir des pensées autour de la mort et de ses causes liées à la théorie des parties extensives (l’extériorité du monde), la pièce est caractérisée d’une part par une grande intimité et d’autre part livre la vision d’une communauté qui se réunit autour d’un maître qui mène le jeu en scène. Aurélien Houette prend l’apparence d’un prête ou bien d’un prophète qui diffuse son message. Plus de trente danseurs du Corps de Ballet de l’Opéra et la scénographie d’Agathe Poupeney faite de cordes et de miroirs, à la fois symboles de divisions et de dispersions d’identités, font de cette pièce un travail très original construit autour d’une vision contemporaine de la danse avec un contenu profond.

Avec Sept-mètres et demi au-dessus des montagnes, Nicolas Paul opère une fusion harmonieuse entre l’atmosphère des musiques de Josquin Desprez (Xvè-XVIè siècle) et son langage chorégraphique contemporain, très géométrique, basé sur des mouvements linéaires très précis. Le chorégraphe se plonge dans les partitions de l’ancien compositeur, à la fois riches de sonorités qui anticipent l’époque baroque et traversées de tensions, pour créer une chorégraphie qui met en valeur l’aspect choral de sa composition. Il s’agit d’une pièce abstraite où l’on peut attribuer à chacun des interprètes un rôle pour que chaque spectateur puisse les inscrire, chacun avec son propre imaginaire, dans une histoire personnelle et imaginaire.

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