Cherkaoui-Goecke-Lidberg

Faun,ch.Sidi Larbi Cherkaoui-Juliette hilaire et Marc Moreau-ph.Ann Ray

Du 5 février au 2 Mars l’Opéra National de Paris offre un programme tout à fait contemporain avec bien deux créations à l’affiche : Dogs Sleep de Marco Goecke et Noces de Pontus Lidberg.

Néanmoins la soirée s’ouvre avec Faun de Sidi Larbi Cherkaoui, créé en 2009 au Sadler’s Well de Londres dans le cadre du programme « In the Spirit of Diaghilev » et déjà entré au répertoire de l’Opéra de Paris en 2017.

La structure du ballet, sous forme de dialogue entre un faune et un nymphée, un homme et une femme,  reste la même d’autres célèbres versions, à partir de L’Après-midi d’un Faune de Nijinski ou de celle, plus moderne de Jérôme Robbins, Afternoon of a Faune.

La musique de Debussy est là ainsi que le texte de Stéphane Mallarmé en évoquant toute l’histoire de ce ballet. Mais Sidi Larbi Cherkaoui forge la pièce avec son langage contemporain, libres de codes, laissant la place à une plus libre interprétation des deux danseurs, Juliette Hilaire et Marc Moreau. Ce dernier se libère de l’image un peu stéréotypée liée à son rôle pour incarner sur scène un homme plus libre, capable de montrer ses tourments exprimés par des mouvements surtout ondulatoires de son corps. Sa partenaire devient une femme sensuelle, délicate qui entre en dialogue avec son Faun de manière délicate, toute en douceur. Cette complicité et toute l’attraction que l’on ressent entre les deux danseurs se révèle à travers des gestes simples et fluides. Malgré l’intensité des émotions que leur dialogue dégage, tout se déroule dans une atmosphère de calme, jusqu’au final où toute leur histoire s’éteint.

Faun,ch.Sidi Larbi Cherkaoui-Juliette Hilaire-ph.Ann Ray

Dogs Sleep, première création de Marco Goecke pour l’Opéra National de Paris posait des interrogations, notamment : comment son langage caractérisé par des mouvements névrotiques, frénétiques, répétitifs, brusques au bord de l’hystérisme, aurait-il pu s’adapter aux danseurs de l’Opéra de Paris ? Le chorégraphe allemand, un des artistes les plus présents sur les scènes chorégraphiques européennes dans les dernières années, impose encore une fois son style sans aucune concession. Les danseurs restent pendant toute la durée du ballet presque immobiles, alignés en groupes sur différentes parties de la scène. L’attention est portée encore une fois sur les mouvements du haut du corps, sur les bras, sur les doigts jusqu’à obliger les danseurs à métamorphoser leurs visages avec des grimaces.

Le chorégraphe plonge le spectateur dans les ténèbres, justement le titre évoque le sommeil ; un mauvais rêve, certes. L’emploi de vagues de fumée sur scène, contribue à créer un univers onirique, détaché de la réalité. Le style névrosé du chorégraphe et la mise en scène hypnotisent le spectateur qui oublie de chercher une quelconque chorégraphie, dans le sens traditionnel du terme, qui en effet ne peut pas exister.  Dogs Sleep reste comme un tableau qui illustre un paysage inquiétant peuplé par des créatures intérieurement tourmentées comme celles notamment représentées du peintre expressionniste Egon Schiele.  Aucune surprise donc, sauf celle de voir les danseurs de l’Opéra national de Paris, bien s’emparer d’une gestuelle qui ne leur appartient pas.

Dogs Sleep,ch.Marco Goecke-Emilie Cozette,Heloise Bourdon et Sae Eun Park-ph.Ann Ray

On pouvait s’attendre plus par Noces de Pontus Lidberg, la deuxième création de la soirée, une autre relecture de la célèbre version de Nijinska. Le chorégraphe qui avait déjà fait preuve d’une certaine originalité dans ses créations passées, notamment Passion sur les musiques de la Passion selon Saint Matthieu de J.S.Bach, Giselle et Sirènes, Face à la musique majestueuse de Stravinsky, la chorégraphie apparaissait faible. Pontus Lidberg a voulu peut -être trop démocratiser ce moment qui a gardé tout au long des siècles sa propre valeur. L’uniformisation et l’aplatissement émotif ne doivent pas appartenir au monde de l’art. Et pour revenir à la chorégraphie, elle se développe sans coup d’éclat, sauf mettre en évidence un couple gay.

Noces,ch.Pontus Lidberg-Aurélien Houette, Lydie Vareilhes et Julien Guillemard-ph.Ann Ray

Opéra Garnier, 21 Février 2019

Antonella Poli

 

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