Giotto Solo

Chorégraphie : Carolyn Carlsson

Musiques : Gavin Bryars

ph.Thibaut Chapotot

Dans le cadre de la manifestation Monuments en mouvement, conçue par le Centre des Monuments Nationaux, Carolyn Carlsson reprend au Panthéon, à Paris, « Giotto Solo » (Des Vices er des vertus), chorégraphie inspirée par les fresques de Giotto effectuées au début du 14ème siècle dans la chapelle gothique des Scrovegni (ou Eglise de l’Arena) à Padoue (Italie du Nord). Sous-jacents aux scènes colorées relatant la vie de Marie et celle du Christ et de sa mort, de petits panneaux allégoriques aux allures de statues monochromes brun-beige, rappellent à tous les chrétiens les Sept Vertus* et les Sept Vices*. 

Les conduites morales, bonnes et mauvaises, apparaissent intemporelles à Carolyn Carlson, subjuguée par la beauté de ces peintures « a fresco » et par la force symbolique des attitudes figurées par des femmes.

Carolyn Carlson apparaît, sculpturale. Elle est à l’image des fresques… qu’elle va mettre en mouvement.

Vêtue de blanc, la tête voilée par un pan de la ceinture de sa longue robe, sa silhouette frêle et fragile, hiératique, se tient au pied d’un monument imposant qui la domine et qui délivre cette missive gravée dans la pierre « Aux héros inconnus, aux martyrs ignorés morts pour la France » surmontée de 2 femmes érigées et éplorées par une frise de soldats gisants et morts.

Le lieu de cette évocation chorégraphique ajoute encore à l’émotion car Carolyn Carlson danse au Panthéon. Il y règne une atmosphère qui sécrète la souffrance, la consolation, la mémoire, mais qui dégage aussi spiritualité et sublimation par la hauteur et l’ampleur des coupoles. 

Carolyn devient la messagère de Giotto et de l’humanité envers nous tous, public debout, assis, au sol, en large cercle autour d’elle, sur une musique et voix enveloppantes, planantes, mélodieuses de G. Bryars.

Pendant vingt minutes, elle campe vertus et vices* : « Prudence – Folie, Force – Inconstance, Tempérance – Colère, Justice – Injustice, Foi – Infidélité,  Charité – Envie, Espérance – Désespoir ».

Par une gestuelle précise chargée de sens, éloquente et contrastée, fluide et entrecoupée de petits à-coups et par des postures choisies, elle s’anime sur place. Elle enchaine, intrique et oppose ces 14 (in)conduites morales : bras tendus vers le ciel (« la Foi, la Charité »), tête baissée, attitude de suppliques, papillonnement des doigts, crispation des mains, cordelette de ceinture enfournée dans la bouche et cris muets, devenant un lien cernant son visage tel un bondage ou encore un noeud passé autour du cou (« le Désespoir »), piétinement et tour sur elle-même, épaules brusquement dénudées, mouvements brièvement saccadés, attitude redressée de l’assise jambes écartées (la « Justice »), cheveux dénoués masquant son visage, inclinaison du buste et pleurs… et pour finir élan corporel vers « l’Espoir » ; ce sont simultanément autant d’actes signifiants : pointer de l’index et désigner, saisir, agripper, implorer, écarter, offrir, enserrer… .

Le regard de Carolyn, bien au-delà des spectateurs et au plus lointain d’elle, rencontre (diamétralement opposée) la sculpture monumentale de P. Landowski de 2 hommes nus à genoux supportant tels des atlas une autre humanité « à la mémoire des artistes dont le nom s’est perdu ». Au centre de cet impressionnant et distant face-à-face virtuel entre Carolyn et ces derniers, le pendule de Léon Foucault, suspendu à la voute, poursuit son imperturbable oscillation démontrant la rotation de la terre et… l’infini écoulement du temps, au sein même du temple national du souvenir et de la finitude de la vie par voie des luttes mortelles des Hommes. Retour est fait à la dimension à la fois intemporelle et humaine suggérée par le solo. Paris, 19 Septembre 2016

* Les scènes peintes de la chapelle des Scrovegni sont numérotées : les scènes de la vie de Joachim, de Marie et du Christ  (1 à 39) – les 14 scènes allégoriques au bas des murs de l’allée centrale, en face à face :  les scènes des Vertus : 40. Prudence, 41. Fermeté, 42. Modération, 43. Justice, 44. Foi, 45. Charité, 46. Espoir; les scènes des Vices : 47. Désespoir, 48. Envie, 49. Infidélité, 50. Injustice, 51. Colère, 52. Inconstance, 53. Sottise. 

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