Giselle

Chorégraphie : Patrice Bart et Eugène Polyakov d'après Marius Petipa

Distribution : Les étoiles Dorothée Gilbert, Mathieu Ganio, Valentine Colasante, les premiers danseurs et le Corps de Ballet de l'Opéra de Paris

Musiques : Adolphe Adam

Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio-ph.Yonathan Kellerman

Malgré la persistante mobilisation des artistes de l’Opéra national de Paris contre la réforme des retraites, le rideau s’est levé dans la soirée du 11 février pour faire revivre le mythe de Giselle. Le public nombreux est au rendez-vous.

Ballet intemporel créé en 1841 par Jean Coralli et Jules Perrot, sur le livret du jeune Théophile Gautier, avec la complicité du dramaturge Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges et la musique d’Adolphe Adam, Giselle représente le sommet du ballet romantique, avec toutes les facettes qui l’identifient : la tragédie d’amour, l’attirance vers le surnaturel et l’irrationnel, représentée sur scène par des créatures éthérées, incarnées dans ce ballet par les Wilis. Les thèmes gothiques y sont présents, tirés du récit d’Heinrich Heine qui, dans un de ses poèmes, parle de fiancées mortes, d’esprits qui ressuscitent dans la mémoire des vivants.

La version présentée à l’Opéra Garnier est celle reprise de Marius Petipa (1887) et réadapté par Patrice Bart et Eugène Polyakov.

L’interprétation des étoiles Dorothée Gilbert (Giselle) et Mathieu Ganio (Albrecht) nous a fascinés par leurs qualités expressives et techniques. Giselle est véritablement la jeune fille paysanne, un peu naïve : elle cède aux avances d’un jeune seigneur et elle tombe amoureuse, malgré sa liaison avec un jeune du village, Hilarion (Audric Bézard). Ils vivent leur histoire d’amour de manière spontanée, fraîche, mais le thème de la musique, tinté de sonorités affligées, laisse présager la trahison.

Dorothée Gilbert et Mathieu Ganio-ph.Jonathan Kellerman

Dorothée Gilbert est très lyrique dès sa première apparition : extrêmement fragile, elle se livre inconsciemment à son destin. Elle sait rendre avec un extrême naturel, sa peine, sa douleur, sa faiblesse dans la célèbre scène de sa folie, qui clôt le premier acte. Quant à Mathieu Ganio, chacun de ses gestes, dans les passages de pantomime que le premier acte expose, est rendu avec une intelligence et une subtilité qui dépassent le simple côté narratif. Il exprime son intention d’abuser Giselle et mène son plan à terme.

« Je ne connais pas d’autre ballet où la danse donne si parfaitement l’illusion d’une narration dramatique. La danse n’y est pas un exercice de virtuosité acrobatique, elle est expressive : l’action se traduit de la sorte uniquement par des moyens dansants et acquiert une force, une intensité d’émotion rarement égalées », écrivait Serge Lifar en 1942. Et ce fut le cas.

Le deuxième acte se déroule de nuit, dans le paysage fantastique du Royaume des Wilis. Immatérielle et spirituelle, la chorégraphie présente comme élément prédominant et emblématique la figure de l’arabesque, qui trouve son apothéose dans la scène où toutes les danseuses du Corps de Ballet traversent la scène, se croisent, en dessinant des lignes infinies. Dans cet acte, la figure de Giselle, désormais esprit ressuscité de sa tombe, apparaît dans tout son être immatériel, en apesanteur et donc non soumise aux lois de la gravité, libre de se laisser aller encore dans les derniers instants, dans les bras du prince Albrecht. Les deux amants peuvent profiter de danser encore ensemble, grâce à l’accord de Myrtha, la reine des Wilis (Valentine Colasante).

L’étoile a marqué ce rôle, difficile, avec autorité : d’abord elle s’impose dès son entrée sur toutes les Wilis, puis, ferme, elle empêche à la fois Hilarion de se rapprocher aux Wilis et cède à la demande d’Albrecht de pouvoir rencontrer sa Giselle. Eléonore Guérineau et Marine Ganio, deux Wilis principales ont assuré leur présence aux cotés de leur reine.

Dans le final, lorsque Albrecht exprime tout son désarroi pour devoir quitter Giselle sous les ordres de Myrtha, on remarque une liberté chorégraphique : au lieu d’exécuter la série d’entrechats six qui l’entrainent à l’épuisement par douleur, le protagoniste s’adresse plusieurs fois à Myrtha en l’implorant avec des courses désespérées.  

L’aube arrive et Giselle doit redescendre dans sa tombe laissant Albrecht dans la désolation. 

Aujourd’hui, autant que par le passé, Giselle continue de nous toucher : sa chorégraphie, jusqu’au moindre geste, est essentielle et se transforme en un langage de l’âme.

 

 

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