Masculines

Chorégraphie : Hela Fatoumi et Eric Lamoreux

Masculines-ph.Laurent Philippe

Hela Fatoumi et Eric Lamoureux avaient déjà consacré 2 chorégraphies aux « représentations des femmes du monde arabo-musulman ». En 2009 ils avaient créé Manta, solo abordant le port étouffant du niqab ; en 2011 Lost in Burqa (2011) où la superposition de vêtements-sculptures d’une artiste marocaine anéantit les femmes déjà contraintes à l’effacement.

Après ces 2 pièces dévoilant une solide misogynie, Masculines, (2013), spectacle d’ouverture de cette nouvelle édition de Faits d’Hiver, donne « la parole » à 7 danseuses qui font sens, en-deçà des mots, autour de la féminité dans ses rapports au corps et à la soumission vers l’émancipation, des deux côtés de la méditerranée.

Une composition chorale et des soli évoluent dans la pénombre à la rencontre de l’orientalisme, éclairant ensuite la beauté des corps issus des tableaux La Grande Odalisque (1814) et Le Bain Turc (1862) (Musée du Louvre). Jean-Auguste-Dominique Ingres exalte la sensualité des femmes nues et lascives, aux gestes langoureux et aux chevelures dénouées. L’érotisme est amplifié car ces chairs enchevêtrées s’animent sous nos yeux. Elles sont bien des humaines qui s’esclaffent, fument, trompent une attente. Sont-elles sincères et fidèles à elles-mêmes ou composent-elles l’image exigée et façonnée par une société patriarcale convaincue de sa juste domination ?

Autre tableau… Séduction… Mêmes femmes…

Occidentalisées, court-vêtues et pailletées, elles se déchainent dans des séquences rythmées jazzy et contemporaines ; prennent des poses audacieuses de music-hall ; aguichent avec des attitudes ambigües ou vulgaires de cabarets, fesses tendues, jambes à l’écart, gestes obscènes ; se fardent outrageusement « à la Van Dongen » ; sourient jusqu’à la grimace. Elles finissent allongées, offertes, forcées à l’immobilité par la descente de larges spots d’éclairage, épinglées comme des insectes. Lentement, ces gisantes vont se recroqueviller avant de se débarrasser, avec une énergie croissante, de leurs justaucorps – tel un emballage qui emprisonne – afin de faire « peau neuve ».

Autre tableau… Spontanéité… Mêmes femmes…  

Ces danseuses talentueuses s’adonnent, à l’unisson sous une belle lumière, à une démonstration frénétique, joyeuse , chargée en mouvements virils ou conquérants. Puis elles nous permettent un coup d’œil dans un vestiaire symbolique à l’abri des regards masculins, voyeuristes et pénétrants pour certains. Libres, elles épongent la sueur après l’effort, s’entraident en riant dans une nudité entre aperçue, naturelle, sans exhibition ni impudeur, se rhabillent et repartent… dans la vie.

Hors scène… Réminiscences… Mêmes femmes…

Difficile de ne pas penser aux actions féministes des années 70, perçant la conspiration sociétale du silence, l’incapacité de certains hommes à contrôler leurs pulsions préférant se dire victimes d’une féminité provocante ou évidemment consentante…, transformant le corps féminin en objet de convoitise et de consommation. Ainsi, Gisèle Halimi fait re-qualifier pour la 1ère fois le « simple » délit qu’était un viol en réunion, en crime re-jugé en Cour d’Assises (1978), conduisant en 1980 à la révision des lois françaises accordant un statut (plus) égalitaire aux femmes.

La danse alterne ses messages, soulève la question du respect dû à chacun(e) ; le public applaudit ; et on reste sur une interrogation : c’est quoi être femme et c’est comment l’expression authentique, durable, de leur essence même ?  

Paris, Le Tarmac – La scène internationale francophone

 

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