L’art et ses bénéfices en santé mentale et en psychiatrie

Le 19 et 20 septembre 2024 a eu lieu la conférence internationale « L’art et ses bénéfices en santé mentale et en psychiatrie » au Groupe Hospitalier Universitaire Sainte Anne (GHU), Paris 75014.

Les thèmes abordés

Après une introduction concernant les liens institutionnels hôpitaux-patients-musées, dont l’exemple du Musée d’Art et d’Histoire au cœur même de l’hôpital Sainte-Anne (MAHHSA), les thématiques se succèdent autour de la Santé Mentale et l’Art « conçu comme thérapie et outil de réhabilitation psychosociale, méthodologie créative d’investigation et outil institutionnel, moyen et médiation à travers différents dispositifs, support pour les proches, patients illettrés dans l’accompagnement thérapeutique, moyen de lutte contre l’oubli et le psycho-trauma, langage de guerre ».

 La troisième thématique interpelle spécifiquement la danse dans une communication intitulée « «Le Serment d’Opéra ». Elle est assurée par Myriam Mazouzi, Directrice de l’Académie de l’Opéra national de Paris et par Alberto Velasco, Médecin-Chef de service S4 du Pôle 5/6/7 du GHU Paris, membre du Conseil d’administration de la WACP (Association Mondiale de Psychiatrie Culturelle), Secrétaire de la COFALP (Coordination France-Amérique Latine de Psychiatrie), avec la participation de Antoine Puybareau, psychomotricien.

A partir d’un projet « d’éducation artistique et culturelle », nait l’organisation hors-les-murs d’un atelier singulier, inattendu, ludique, de 2 heures, proposé à des patients psychiatriques traités et stabilisés. Il se déroule au sein même du temple de la danse qu’est l’Opéra Garnier, dirigé par des danseurs professionnels en tant que « médiateur », « accompagnateur ».

L’atelier, s’émancipant des stéréotypes, dépasse le paradoxe de la psychiatrie et du handicap accueillis et ayant une place à l’Opéra ; il s’éloigne de la « danse thérapie » proprement dite au sens de ses liens historiques au champ médical et (psycho)thérapeutique, au sein de l’hôpital.

Ici, l’atelier reconsidère la relation à son corps par le corps : optimiser la sensorialité et la perception de soi-même ; prendre du plaisir à danser et laisser advenir gestes libres, improvisations, rythmes selon la musique, expressions émotionnelles et esthétiques dénuées de critères… ou encore réappropriation de mouvements proposés puisés ou non dans l’éventail des styles de danse. Simultanément, le regard sur l’estime de soi face à d’éventuels vécus traumatiques antérieurs ancrés dans la chair, la communication et la socialisation, sont orientés vers une intégration psycho-physique, vers la présence du soi et la rencontre d’autrui.

L’atelier conforte le déploiement contemporain observé quant à l’utilisation des mouvements dansés, sans académisme, comme des séances d’expression corporelle ou de danse-mouvement-thérapie ne résumant pas un patient à sa maladie ou ses déficits, privilégiant de façon dynamique la créativité, l’empathie, la ré-assurance… Car, au-delà de la part visible et mouvementée -joyeuse ou douloureuse- qu’offre la danse, il est implicitement espéré une mobilisation interne, secrète, qui transforme, qui (re)structure un corps capacitaire à partir de ses ressources et de son potentiel,  qui fait sens, au profit de l’affirmation de soi, du mieux-/bien-être, de la détermination à exister.

La dimension «humaine» bienveillante des situations relationnelles et l’aspect sublimatoire porté par l’art de la danse se trouvent renforcés dans ce « Serment d’Opéra » qui active l’empowerment et l’agentivité, valorisant tous « les mouvements du corps ».

Les autres thématiques montrent la diversité des supports de médiations artistiques (dessin, architecture, récit littéraire, photographie, argile, ‘musée-valise’…) et des lieux (Pakistan, Mexique, Canada, Japon, Ukraine, Ouganda) dans l’optique du care envers les enfants et les adultes, à côté du curatif. Se rejoignent dans ces expériences vivantes et conscientisées, les idées de réconciliation, de tolérance, de stratégies et solutions, de soutien ; mais aussi celles de la dénonciation de la cruauté et de la résistance ou du combat, de la question du silence à respecter ou rompre ; enfin les voies vers la résilience et la culture.

Dans une vision transculturelle de la psychiatrie, une « recherche participative des webinaires et une déclaration commune » est coordonnée par le Dr Velasco, avant de conclure.

L’envergure du pouvoir de l’art est encore illustrée par l’exposition actuelle au MAHHSA* : « Le plancher de Jeannot », morceau de parquet gravé au poinçon et couteau d’un texte délirant par un paysan béarnais Jean Crampilh-Broucaret dit « Jeannot » (1939 – 1972) juste avant de mourir de faim à 33 ans ; œuvre découverte fortuitement et achetée en 1993 par le Dr Roux, psychiatre, décelant « un exemple de psychose brute ».

Encore, donc, un exemple saisissant de l’aspect inventif, créatif et transcendantal de/par l’art. 

👉Le programme complet et les intervenants

Paris, 19 et 20 septembre 2024

Antonella Poli

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