Montpellier Danse 25 : On the heart – An etude d’Armin Hokmi
Chorégraphie : Armin Hokmi
Distribution : Katarina Jitlatda Horup Solvang

C’est la deuxième participation de l’iranien Armin Hokmi à la 45e édition du Festival Montpellier Danse 2025, après la présentation de sa pièce Shiraz l’année dernière. Liée à l’avènement de la République islamique en 1979, mêlant danse, historique et réflexion politique, la chorégraphie avait fortement impressionnée le public du festival 2024.
Artiste associé à Montpellier Danse jusqu’en 2026, installé à Berlin, Armin Hokmi entreprend en 2009 une recherche sur le « langage de la danse » après une expérience d’interprète dans un théâtre en Iran, complétée par des études d’interprétation dans l’art du théâtre en Norvège puis dans l’art de la danse à Berlin.
S’écartant de la politique avec sa nouvelle pièce On the heart – An etude, il se consacre à la danse et son mode expressif et discursif « qui peut être imaginée comme quelque chose qui vient en réponse à un environnement ». On comprend alors l’enthousiasme de Hokmi en apprenant que sa pièce se déroulera dans la prestigieuse Cour de l’Agora, à l’architecture géométrique où la répétition des formes « favorise un sentiment de protection », structure ouverte « tirant vers le ciel les mouvements », laissant l’esprit s’échapper vers l’infini de l’espace.
Plus précisément, il tente d’étudier les origines de la danse. Elle serait, selon ses propos dans une interview, « comme une danse qui n’est pas demandée. Quelque chose qui n’est pas invitée, quelque chose qui émerge plutôt », du corps même.
Il dit « rechercher une danse qui surgit d’une impulsion », si ce n’est d’une pulsion qui déclencherait le processus créatif, théorie déjà envisagée concernant l’art en général.
Pour lui, le point central qu’il investit est le cœur, à la croisée de méridiens. Physiquement vital, l’organe est également reconnu dans diverses civilisations comme le point focal symbolique des émotions et des sentiments.
Le mouvement est une création. Armin Hokmi précise que la chorégraphie fut construite séquence par séquence avec un groupe de six danseuses, les interactions dansantes étant à la source de l’élaboration de la pièce, discutée ensuite ensemble.
On comprend l’absence voulue de références à un style chorégraphique reconnu, voire l’impossibilité, la rupture des pas dansés avec la rythmique propre de la musique, au profit de la sensibilité personnelle de l’interprète à ses stimuli internes induisant à « fabriquer » son langage de la danse. La multiplication des expériences serait susceptible d’être rassemblées dans un répertoire.
On comprend aussi que Armin Hokmi ne dansera pas lui-même, occupé à observer les faits interactifs des danseuses, à la base de la pièce. Il ajoute : « Je me suis vraiment intéressé à ce que la danse peut faire que le théâtre ne peut pas. Comment peuvent-ils ne pas être au service l’un de l’autre ? ».
Le solo est confié à une jeune interprète ayant participé à la conception, Katarina Jitlatda Horup Solvang, danseuse éclectique, diplômée de l’école de danse d’Oslo.
En short noir et T-shirt bleu foncé et blanc, elle exécute, à partir d’une impulsion initiale, primordiale, des mouvements précis d’amplitude limitée, se concentrant sur ses sensations et sur ses invisibles frémissements émotionnels, sur la perception d’un rythme corporel propre. L’ensemble est extériorisé et traduit par des lignes directionnelles modulant l’inclinaison de ses bras jointifs au niveau des mains devant la poitrine et des angulations variables, des épaulements et des suspensions gestuelles fugaces ; par des jambes demi pliées et des frappes régulières, cadencées et alternatives des pieds ; par des déplacements limités, parfois quasi sur place ; par des ressauts comme dissociés de la mobilité du torse. Des ajustements et des reprises produisent des figures semblables, dépourvues d’une intention narrative ; l’enchainement donne une fausse impression de danse « cassée » du fait de la succession d’interruptions brèves mais le déroulement global de l’œuvre est homogène, sans rupture marquée et prolongée.
Le solo se poursuit ainsi jusqu’à sa fin, sur fond d’une musique indépendante de coloration orientale due à Ehxn & Reza, deux musiciens de trap persan basés à Téhéran.
La performance d’une telle danse, qui peut durer 20 à 30 minutes, étonne le public qui applaudit avec plaisir et remercie la danseuse.
Pour Armin Hokmi, cette étude va s’inscrire dans la perspective d’une création à grande échelle pour 2026. Il prévient : « Dans cette production intitulée Repertoire (Bazm), j’ai l’intention de fabriquer un répertoire qui ne renvoie à aucune archive de danse particulière en soi », projet qui donne envie de suivre ce travail novateur dans le domaine de la danse.
Montpellier, Cour de l’Agora, 25 juin 2025
Jocelyne Vaysse