Nouvelle création de Marie Chouinard pour les Ballets de Monte-Carlo

ph.Alice Blangero

Marie Chouinard signera la prochaine création pour les Ballets de Monte-Carlo dirigés par Jean-Christophe Maillot. Deux personnalités diverses aux styles chorégraphiques différents qui pourtant se rejoignent sur un point : la richesse du vocabulaire des danseurs comme moyen d’éliminer toute barrière entre langage chorégraphique académique et contemporain.

La création de Marie Chouinard pour quinze danseurs sera présentée au Grimaldi Forum de Monaco du 27 au 30 Avril prochain dans le cadre d’un programme qui prévoit aussi une création de Natalia Horecna.

Quelle a été l’origine de cette création ?

Marie Chouinard : En 2012, j’avais déjà travaillé avec les Ballets de Monte-Carlo pour la reprise de  mon ballet bODY_rEMIX/ les_vARIATIONS_gOLDBERG – Acte 1. La nouvelle création de cette année, la première pour cette compagnie, nait d’une invitation de Jean-Christophe Maillot. J’ai choisi quinze danseurs, ceux qui m’ont le plus interpellée de par leurs qualités physiques et plus en général pour leurs corps.

Jean-Christophe Maillot : L’invitation à Marie Chouinard pour cette nouvelle création s’inscrit dans la ligne politique et artistique de la compagnie. Nous voulons proposer aux danseurs de nouvelles rencontres enrichissantes, les plus diverses possibles. D’une part, je connaissais le travail de Marie Chouinard et d’autre part je me pose la question de comment faire rester vivante une compagnie néoclassique et lui donner la bonne ouverture d’esprit.

Quelle technique de travail a été utilisée ?

M.C. : Plus qu’utiliser une technique de travail précise et définie, j’ai commencé par me demander comment travailler et valoriser la matière humaine que j’avais à disposition, pour la traiter et la faire devenir une œuvre d’art. Je voulais trouver des couleurs et des nuances ; je compare mon travail à celui d’un sculpteur. J’ai approché cette création à partir d’une idée générale qui puisse révéler une dynamique globale avant de déterminer par exemple la rythmique ou tout autre aspect, notamment celui théâtral.

J-C.M. :, Il s’agit d’un travail différent du mien. J’ai pu voir quelques répétitions ; Marie Chouinard voudrait utiliser des pointes pour les garçons et les filles. Elle travaille beaucoup avec les danseurs qui sont très impliqués et qui s’enrichissent. C’est pour moi aussi un cadeau car, plus ils sont riches d’un point de vue artistique, et plus fortes sont mes possibilités créatrices avec eux. C’est une autre raisons pour laquelle je considère importante l’ouverture vers d’autres styles.

Quelles différences trouvez-vous entre les danseurs qui ont interprété bODY_rEMIX/ les_vARIATIONS_gOLDBERG en 2012 et ceux d’aujourd’hui ?

M.C. : J’ai retrouvé des anciens danseurs que j’apprécie mais la compagnie a évolué et j’ai rencontré beaucoup de nouveaux danseurs intéressants.

J-C.M. : Dans ma compagnie, il y a entre 10 et 20% de changement chaque année, ce qui fait sa richesse aussi. Depuis que je dirige la compagnie, j’ai travaillé avec 780 danseurs. Ils ont beaucoup évolué. Leurs qualités techniques ont progressé et leurs corps offrent des possibilités plus grandes, ce qui a pour effet de réduire la distance entre danse académique et contemporaine.

Quels sont les points forts de cette création ?

M.C. : Je ne sais pas encore, mais ce qui a été important jusqu’à maintenant c’est que j’adore travailler avec eux et je me rends compte que c’est un plaisir réciproque. Je pourrai définir cette création comme abstraite mais j’ai essayé de transmettre un certain ressenti, très délicat, qui révèle une âme. Mais on retrouve aussi des moments sensuels et dynamiques. Mon attitude, qui consiste à considérer les danseurs comme matière à traiter pour la faire devenir œuvre d’art, a fait que je me suis inspirée d’un peintre que j’aime beaucoup, Cy Twombly.

J-C.M. : L’invitation d’un nouveau chorégraphe représente pour moi une grande richesse et un moment d’échange et de partage important. Je ne sais pas encore quels seront les points fort de cette création, mais je peux dire qu’on pourra la définir comme une création abstraite. Marie Chouinard travaille beaucoup sur les bruits, les onomatopées. Elle explore les possibilités des danseurs tout en cherchant des formes inattendues. On retrouve une certaine curiosité, similaire à celle d’un enfant, mais je préfère garder la surprise sur le résultat final.

Quelle musique sera-t-elle utilisée ?

M.C. : J’ai confié la création de la musique à Louis Dufort, compositeur avec qui je travaille depuis vingt ans. La musique a contribué à créer la dynamique de cette pièce, même dans les moments de silence qu’elle inclut.

J-C.M. : Je laisse carte blanche aux chorégraphes, je trouve que cette liberté est fondamentale.

Est-ce que vous pensez qu’il y a eu des échanges entre vous et la compagnie des Ballets de Monte-Carlo et vice-versa ? Si oui, dans quelle mesure ?

M.C. : Pour moi, ça a été un bonheur de travailler avec eux. Ils ont montré une grande générosité et disponibilité et en même temps une grande curiosité qui les a porté à apprécier mon style et mon travail avec gourmandise et plaisir.

J-C.M. : J’ai trouvé une grande liberté dans cette collaboration dans les deux sens. A une époque, c’était coutume qu’un chorégraphe contemporain choisisse le plus souvent des danseurs classiques d’un niveau technique peu élevé. Aujourd’hui je me rends compte qu’il n’y a plus cette barrière et c’est une surprise de découvrir que même les danseurs plus techniquement doués d’un point de vu classique peuvent donner d’excellents résultats dans le contemporain (sont excellents dans le contemporain). Les deux créations du mois d’avril, dans lesquelles se produit la quasi-totalité des danseurs, sont la parfaite illustration de cette évolution.

Propos recueillis par Antonella Poli

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