Behind the light

Chorégraphie : Cristiana Morganti

Cristiana Morganti-ph.Ilaria Costanzo

Le titre de la dernière création de Cristiana Morganti, présentée au Théâtre des Abbesses-Théâtre de la Ville jusqu’au 11 février, est Behind the light. Cela pourrait être évocateur de son état actuel d’artiste indépendante après avoir été l’une des interprètes emblématiques de Pina Bausch au Tanztheater de Wuppertal. 

Néanmoins, l’artiste italienne se met en lumière plus que jamais, avec sincérité et ironie, grâce à ses qualités théâtrales et de danseuse. A la différence de ses soli précédents, Moving with Pina et Jessica and me, elle se réinvente à partir des traits plus intimes de sa personnalité. Son interaction avec le public est très directe ; dès les premières minutes, elle suscite son intérêt en affirmant vouloir dévoiler la signification de la pièce. Elle sait tout de suite engager un dialogue ouvert, comme si cette pièce constituait une sorte de catharsis ou une séance psychanalytique pour libérer ses pensées intérieures.

Un fauteuil fuchsia la met à l’aise pour cet exercice.

Certes, à ce moment, elle saisit l’occasion d’évoquer les difficultés logistiques du transport des décors d’ un spectacle, des costumes. Un fauteuil gonflable qui peut rentrer dans une valise est sans doute la meilleure solution !… Elle alterne des textes en anglais, en français et en italien, mais les différences linguistiques ne cassent pas l’émotion livrée par son récit.

On ressent une envie de liberté, un désir d’affirmer sa personnalité, illustrés par une vidéo projetée sur le fond de la scène où elle court en criant dans des paysages champêtres. Elle enrichit son récit d’expériences personnelles, les péripéties traversées pour travailler (Covid-19, maladies et disparition de ses parents). Elle a eu la capacité de rebondir pour pouvoir retourner sur scène et présenter cette première française.

ph.Lisa Vescovi

Elle danse et cet art fait partie de son corps qui ne cède pas. Cristiana Morganti se plonge dans ses souvenirs, quand elle ne pouvait pas rater un cours de danse même si elle ressentait une douleur au mollet, respectant la consigne « Quand tu laisses la danse pour un jour, elle te laisse pour deux jours ».

Et donc, pendant les mois du confinement dû à la Covid 19, elle avait tout fait pour s’entrainer, l’offre sur Internet étant très vaste. Elle partage maintenant avec le public une zumba, style de danse qui l’attirait à ce moment-là. Au milieu de la scène, elle régale le public, mais nous pensons qu’elle trouve aussi son plaisir à s’exprimer différemment. Effectivement, Cristiana Morganti n’hésite pas à se questionner, à se « chercher ».

ph.Ilaria Costanzo

Ses années avec Pina Bausch deviennent pour elle une sorte de cage. Comme elle le dit, on ne peut pas éviter d’aller chercher dans ses créations actuelles la comparaison avec la fluidité des bras présente dans les pièces de Pina Bausch, le type de costumes (pour elle, les sous-vêtements sont interdits vu la référence aux pièces de Pina), les talons… Donc, qu’est-ce qu’il lui reste ? Des gestes saccadés, limités dans leur ampleur, car rien ne doit ressembler au passé. Mais cela ne semble pas la satisfaire.

Sur un extrait de la musique d’Adolphe Adam du ballet Giselle, Cristiana Morganti, assise sur une chaise, bouge avec de petits mouvements de pieds, de genoux, laissant le pouvoir expressif à son visage et à la position de sa tête. Son désir de reconstruction et en même temps de s’émanciper de son passé artistique la pousse à reparcourir sa vie : elle s’allonge au sol comme pour s’endormir et rêver, une vidéo retraçant en images les moments de sa vie, des épisodes de la culture   italienne, le portrait de Pina… Au final, la vidéo nous montre « Cristiana » libérée, comme elle est aujourd’hui, comme femme et artiste indépendante.

L’écran nous la présente sous différentes facettes, naturelle sans maquillage ou avec une allure plus professionnelle. C’est le choix courageux d’une artiste qui touche le public par une interprétation sincère, nous interpellant sur notre capacité à se remettre en jeu avec humilité et avec nos propres convictions et sensibilité.

Jusqu’au 11 Mars 2023

Paris, Théâtre des Abbesses, 6 Mars 2023

Antonella Poli

 

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