La Belle au Bois Dormant

Chorégraphie : Fabio Lopez

Distribution : Cie Illicite

Musiques : Tchaïkovski

ph.Stéphane Bellocq

Fabio Lopez, directeur artistique de la Compagnie Illicite et artiste associé aux villes de Bayonne, Anglet et Biarritz, a inauguré la nouvelle année avec sa version de la Belle au Bois Dormant, une production présentée dans le cadre de la Saison France-Portugal 2022. La jeune compagnie compte douze danseurs et elle s’est produite sur le plateau de la Salle Lauga de Bayonne. 

Pour le jeune chorégraphe le défi était important.

« Quand je faisais mes premiers pas à Oufa, mon maître à danser – qui avait appartenu au Kirov – me disait toujours que La Belle au bois dormant était le « ballet des ballets ». Et j’en étais gourmand à l’avance. Le Kirov, plus tard, m’a fait découvrir la splendeur du festin. La Belle au bois dormant de Tchaïkovski et de Marius Petipa représente en effet l’apogée du ballet classique : la danse s’affirme alors comme art majeur. Et cela constitue un événement historique : après La Belle, le ballet a pu attirer à lui les plus grands compositeurs qui n’ont pas hésité à travailler avec les chorégraphes ». Ainsi s’exprimait Rudolf Noureev, un des auteurs majeurs de la Belle au bois dormant créée en 1966 au Théâtre La Scala de Milan.

Dans le panorama français de la danse, Fabio Lopez se situe parmi ceux qui osent encore défendre le ballet classique et sa tradition. Et plus que jamais, par rapport à ses autres précédentes créations, ses propos n’ont jamais été si clairs.

Le choix du titre est important ; néanmoins, il faudrait d’abord éviter toute comparaison avec le passé et se plonger librement dans cette création. Ce qui reste intacte est l’esprit du conte malgré l’apport personnel du chorégraphe pour réinterpréter l’argument. Les personnages principaux sont au rendez-vous : Carabosse (Alvaro Rodriguez Piñera), le Prince Florimond (David Claisse) et la princesse Aurore (Alessandra De Maria) qui sont remarquables d’une part pour le synopsis du ballet et d’autre part grâce à leurs qualités techniques accentuées par la chorégraphie. Il serait quand même opportun de souligner les nouveautés principales de cette relecture : le Prince n’est que le fils de Carabosse qui se venge sur son père pour le maléfice infligé à Aurore ; cette dernière acquiert une dimension onirique, devenant un objet de désir tellement fort que le Prince est poussé à éliminer l’obstacle principal à leur union. Cela provoque en lui une sorte de renaissance : se sentant affranchi, il peut vivre son histoire d’amour avec Aurore. En fait, au moment de la mort de carabosse, il se libère du poids de toutes les sorcelleries de la fée maligne et symboliquement il change de peau en se libérant de son costume !     

Le ballet s’ouvre avec la figure de Carabosse : sa jupe ornée de fleurs séchées dans des tonalités de rose et de rouge semble détourner son caractère maléfique. Cette impression est toute de suite démentie : toute sa méchanceté se manifeste d’abord en prédisant la mort de la reine au cours de son accouchement de sa fille Aurore, puis en jetant sur celle-ci le sort funeste de s’endormir le jour de l’anniversaire de ses seize ans.

Le danseur Alvaro Rodriguez Piñera, artiste invité de l’Opéra national de Bordeaux (Carabosse) s’impose sur scène par son physique et par la gestuelle parfois saccadée de ses bras et de la partie haute de son corps. Après ce prologue on rentre dans le vif du ballet avec l’entrée sur scène de la ravissante Alexia Barré (la fée principale) et des autres six fées, trois couples, suivies par le bal célébrant l’anniversaire d’Aurore. Il n’y a aucun doute en voyant ces séquences que Fabio Lopez veut mettre à l’honneur et revivifier le langage classique. Les pas de deux fluides et la pureté des lignes dégagées par les danseurs dominent la scène.

Ainsi, le décor épuré et immuable tout au long du ballet, évoquant l’architecture d’un château, accentue encore, par cette sobriété, la rigueur académique sur pointes, acceptant néanmoins des touches néoclassiques. Dans la même veine, s’il n’y a pas de tutus, la simplicité des justaucorps, bleu foncé ou blancs, contribuent à souligner la beauté des lignes et l’apport artistique des interprètes : les passages valsés lors du bal, les trios complices et énergiques et les traversées du plateau à l’unisson jalonnent la pièce.

La nostalgie inconsolable du Prince, une fleur à la main, s’exprime dans son solo, langoureux et expressif, il rêve son Aurore…. Sans hésitation, et avec une mise en scène puissante Carabosse paye son tribut. Rien ne sépare plus les deux jeunes : le baiser – attendu – qui lève le noir sortilège du sommeil infini les réanime. Le pas de deux final, intime et sobre, dansé en toute douceur, consacre la victoire du Bien sur le Mal.

ph.Stéphane Bellocq

Antonella Poli, Janvier 2022

 

 

 

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