La Giselle de Pontus Lidberg au Grand Théâtre de Genève

Giselle est un des ballets les plus anciens et les plus célèbres au monde. Archétype du ballet romantique du XIXe siècle, il fut composé par Adolphe Adam sur un livret de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges avec une chorégraphie originale de Jean Coralli et Jules Perrot. Ballet pantomime à deux facettes, paysanne au premier acte et romantique au second. A l’origine, Giselle fut interprétée par la danseuse italienne Carlotta Grisi, qui a su donner au personnage la notoriété dont il jouit encore aujourd’hui.

Le défi est donc de taille pour le jeune chorégraphe suédois Pontus Lidberg, d’autant que le ballet a fait l’objet de plusieurs interprétations célèbres, comme celle de son compatriote Mats Ek.

Loin d’en faire un ballet fixé dans une époque révolue, le chorégraphe choisit d’ancrer l’intrigue à notre époque.

Entre Giselle (Sarawanee Tanatanit) et Albrecht (Damiano Artale), il y a une différence de classe sociale que le public peut saisir à travers les changements successifs de décor. La scénographie est constituée de tableaux descendant du plafond, représentant certaines pièces des maisons des jeunes gens. Ces tableaux s’alternent tout au long du premier acte: dans la maison de Gisèle, on aperçoit une pièce modeste comme une simple cuisine par exemple; chez Albrecht, en revanche, les ustensiles de cuisine font place aux meubles d’un beau salon. Le choix judicieux du noir et blanc permet d’atténuer l’effet des contrastes sociaux et fait ressortir l’alchimie du couple malgré la barrière sociale.

Au début, la chorégraphie est très légère et aérienne, la danse évolue dans un flux continu, et on assiste à un échange d’énergie permanent entre les couples de danseurs. Du point de vue esthétique, les mouvements sont très beaux et expressifs, les corps s’enveloppant dans des portées aériennes ou s’empoignant au sol. L’histoire d’amour entre Giselle et Albrecht se développe avec une extraordinaire fraîcheur, leur relation semble pure et sincère, rien ne pourrait faire croire à la tragédie finale.

Le style du chorégraphe est très novateur bien qu’il fasse parfois référence à certains mouvements empruntés à la chorégraphie de Mats Ek ou au hip hop au sol.

Dans cette relecture, la structure narrative est maintenue mais de par sa conception, le ballet offre la possibilité de concevoir le déroulement de l’histoire en une seule scène. Une scène véhiculant une seule atmosphère dans laquelle la séquence d’évènements n’a pas d’importance, seuls les sentiments comptent. Le pas de deux du jeune couple est extrêmement émouvant, Sarawane et Damiano dansent à l’unisson et ne semblent former qu’un seul corps.

Bien que créé au XIX siècle, Giselle n’a cessé de connaître un succès immense auprès du public. Selon Pontus Lidberg, ce ballet aborde le thème éternel de l’amour brisé et du rêve envolé, le rôle du chorégraphe est de réinventer le style et le langage afin de proposer d’autres lectures possibles. Ainsi, Pontus Lidberg n’hésite pas à réinventer le deuxième acte, l’acte le plus romantique, en supprimant la vengeance de Willis, qui obligeait les amants des jeunes filles mortes d’amour à danser jusqu’à la mort. En revanche, le chorégraphe met en scène les couples disparus et leur fait revivre leur passé. Ce deuxième acte semble présenter une sorte de réminiscence des personnages décédés, une plongée onirique dans leur passé douloureux.

Enfin, la dernière scène nous laisse un peu perplexe : à la fin du deuxième acte, les deux amants qui se retrouvent seuls, continuent à danser ensemble. Soudain, on voit apparaître une paroi grise qui descend du plafond et les sépare pour toujours. Albrecht accueille alors sa femme et son petit enfant qui sortent des coulisses. Un final jugé un peu trop bourgeois et sommaire. On aurait pu espérer un final mieux exploité qui fasse davantage écho à des enjeux contemporains.

Genève, 6 Octobre 2012

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