Retour à Berratham

Chorégraphie : Angelin Preljocaj

Distribution : Virginie Caussin, Laurent Cazanave, Aurélien Charrier, Fabrizio Clemente, Baptiste Coissieu, Margaux Coucharrière, Emma Gustafsson, Verity Jacobsen, Caroline Jaubert, Émilie Lalande, Barbara Sarreau, Niels Schneider, Liam Warren, Nicolas Zemmour

Musiques : 79D assisté de Didier Muntaner-Musiques additionnelles:Georg Friedrich Haendel, Fatima Miranda, Abigail Mead

Retour à Berratham-ph.Carbonne

On ne peut que rester émus face à Retour à Berratham. Pour les trente ans de sa compagnie, Angelin Preljocaj commande un texte à l’écrivain Laurent Mauvignier qui déjà en 2012 avait collaboré avec le chorégraphe pour Ce que j’appelle oubli.

Faire danser les mots est l’objectif de cette nouvelle création, Retour à Berratham, ville imaginaire et symbole de tous les lieux détruits par des guerres. En scène, onze danseurs et trois comédiens (Laurent Cazanave, Niels Schneider et Emma Gustafsson) qui cherchent à transmettre toute l’atmosphère et le désarroi d’un après-guerre.

Le texte est poétique et raconte l’histoire d’un jeune homme qui retourne dans sa ville d’origine pour chercher sa femme Katja. Il est désorienté, la guerre civile a dévasté la ville où il vivait. La scénographie d’Adel Abdessemed est à la fois essentielle et ténébreuse, aux teintes sombres, et dégage un sentiment d’oppression : elle est composée de grillages qui délimitent l’espace scénique avec des carcasses de voitures jetées dans les coins ; les lumières sont faibles. Les trois acteurs récitent le texte de manière émouvante et très rythmée, on a l’impression que leur voix sort des tombes ; ils parlent aux survivants imaginaires ainsi qu’au public, circulant sur le plateau. Ils constituent une espèce de chœur comme on peut le retrouver dans la structure des tragédies grecques.

Et il s’agit vraiment d’une tragédie. Le jeune homme ne retrouve plus sa Katja, et pour défendre son identité, il se réfugie dans l’enfance dont il n’a rien oublié. « Il marche et il lui semble que son enfance, c’était un temps moins déraisonnable que maintenant. Mais c’est tellement lointain que le moindre souvenir lui semble fragile et doux comme une grâce dont il ne serait pas digne…Est-ce qu’il a oublié combien on avait faim du temps de son enfance ? Qu’est-ce qu’il essayé d’enjoliver ? Il a oublié pourquoi on part d’ici ?…Non, il se souvient. Il se souvient de tout » sont les mots crus et réels qui accompagnent ce retour à Berratham. Les parties dansées ne sont pas nombreuses, une vrai limite pour cette pièce surtout parce que leur qualité chorégraphique est très bonne. On y reconnait le style limpide et précis de Preljocaj, surtout dans certains ports de bras. Les danseurs, remarquables, constituent un vrai trait d’union entre chaque partie littéraire récitée et ils représentent, à travers leurs mouvements, les sentiments de détresse, de mort et d’une complète incapacité à lutter contre les atrocités de la guerre. Angelin Preljocaj pourra réfléchir pour enrichir les parties chorégraphiques de cette dernière pièce, ses trente ans de danse le méritent.

Au Théâtre National de Chaillot, Paris jusqu’au 23 Octobre. A ne pas manquer l’exposition Angelin Preljocaj, Costumes de Danse du 3/10/2015 au 6/03/2016, CNCS, Moulins


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