Roméo et Juliette

Chorégraphie : MacMillan

Distribution : Misty Copeland, Roberto Bolle, les premiers danseurs et le Corps de Ballet du Théâtre La Scala de Milan

Musiques : Prokofiev

Misty Copeland et Roberto Bolle-ph.Brescia Amisano

La nouvelle saison du Théâtre La Scala s’ouvre avec Roméo et Juliette de MacMillan. La principale de l’American Ballet, Misty Copeland, est très attendue pour cette production. Il s’agit de son debut dans le rôle de Juliette et sur la scène du théâtre de Milan.

Le rideau se lève sur un décor encore plongé dans la pénombre et, déjà, la fibre théâtrale de Kenneth MacMillan s’exprime à travers la mise en place des danseurs. Déjà les regards s’échangent avec une contenance qui fait vivre les personnages. Les somptueux costumes d’Odette Nicoletti sont mis en valeur de façon splendide par les danseurs. Les entrées successives réglées au millimètre montrent avec quel art le chorégraphe parvient à donner vie au tableau en préservant une lisibilité parfaite. La danse s’installe progressivement dans les pas et s’immisce dans le théâtre avec efficacité.
Les combats qui ne tardent pas à prendre place sont aussi extrêmement bien réglés. Mick Zeni, Antonino Sutera et Marco D’Agostino sont remarquables dans leurs rôles.

La scène de la chambre de Juliette nous montre très vite la maîtrise de Misty Copeland à incarner une jeune et tendre Juliette et les rapports qu’elle entretient avec sa nourrice (Monica Vaglietti) ou sa mère Lady Capulet (Emanuela Montanaro) sont si bien joués qu’ils nous permettent d’y croire.

L’arrivée des convives chez les Capulet est également l’occasion d’apprécier avec quelle imagination MacMillan sait animer tout ce qui ne paraît pas essentiel dans le ballet mais qui participe à construire un cadre qui permet à la danse pure de s’épanouir lorsqu’elle intervient. De fait, avec lui, ces transitions deviennent essentielles dans la mesure où elles construisent les personnages et les situations tout en délivrant des sentiments forts, voire parfois quelques notes d’humour, comme ces porteurs de chaises assoupis dans l’attente du retour de leur noble maîtresse. À nul moment de ce Roméo et Juliette la narration ne faiblit et le spectateur, dès lors, est pris en charge du lever de rideau à la funeste conclusion du drame.
Toujours devant la demeure des Capulet, l’arrivée de Roméo (Roberto Bolle), Mercutio (Antonino Sutera) et Benvolio (Marco D’Agostino) donne lieu à une démonstration de synchronisation de trois danseurs au travers de sauts et des tours brillants. On les apprécie à l’aune de la difficulté.

Le premier pas de deux de Roméo et Juliette en marge du bal, montre deux danseurs particulièrement bien assortis pour former ce couple mythique. Cette première rencontre est particulièrement bien rendue par la fraîcheur des deux interprètes. Les premiers émois se lisent sur les corps et sur les visages à travers les pas magnifiques de MacMillan. Mais c’est bien entendu la Scène du balcon qui clôt l’Acte I qui permet davantage aux danseurs de donner vie au couple, malgré le public s’attendait à une interprétation plus romantique de Juliette (Misty Copeland). Lorsque, quelques mesures plus tard, Roméo (Roberto Bolle) la prend par la main, nous sommes également enchantés de découvrir l’expression d’une émotion difficile à contenir et qui permet aux deux danseurs de trouver une harmonie d’inspiration, excellent préambule au pas de deux proprement dit à venir après la variation technique de Roméo.

Les très beaux portés sont magnifiquement enchaînés par les danseurs et à aucun moment la technique ne décline pour révéler la moindre faiblesse à quelque niveau que ce soit. Cependant, si le climax est rapidement installé et la qualité de la danse se montre irréprochable, on regrettera chez cette Juliette une amplitude de mouvements un peu courte et des ports de bras que l’on souhaiterait voir prolongés dans leur intention. Roméo danse de manière irréprochable, en essayant de transmettre à Juliette toute son infinie passion d’amour.

La tragédie se prépare lorsque Juliette boit la drogue qui Frate Lorenzo lui a donné. La dernière scène nous plonge dans la crypte de la famille Capulet où le corps de Juliette gît sur la pierre tombale, au pied de deux immenses et inquiétantes statues d’anges. Roméo fait irruption et poignarde Paride avant de s’emparer du corps sans vie de Juliette qu’il manipule comme une poupée désarticulée. On remarquera ici la ressemblance du vocabulaire chorégraphique employé par MacMillan pour sa Manon mourant au côté du Chevalier Des Grieux désespéré à la Nouvelle-Orléans. La triste fin des amants est amenée avec un sens de la tragédie dénué d’artifice permettant à la sublime musique de Prokofiev de s’exprimer pleinement. Cette conclusion également magistrale sur le plan chorégraphique laissera le spectateur sur un tableau morbide et noble divinement éclairé.

Partager
Site internet créé par : Adveris