Week-end de Ballets à Biarritz

Les 5 et 6 juillet derniers, Biarritz a vécu un weekend unique, entièrement dédié à la danse. Pour la première fois les trois grandes compagnies du Sud-Ouest, Le Malandain Ballet Biarritz, l’Opéra de Toulouse et l’Opéra de Bordeaux étaient réunies ensemble sur la scène de la Gare du Midi.

Le projet de ce spectacle remonte à il y a deux ans : Thierry Malandain, directeur du CCN de Biarritz, avait proposé au ministère de la culture cette forme de collaboration qui avait l’ambition de redonner de l’oxygène à la danse classique, considérée comme démodée ces dernières années.

Cette mission semblait difficile à accomplir, surtout après l’annulation de ce spectacle qui était prévu à Pau. Fort de ses idées et de ses convictions, le CCN de Biarritz a décidé d’inviter les deux autres compagnies.

Le lien qui les réunit est leur style : toutes les trois travaillent sur la technique classique, dans l’optique de sauvegarder le patrimoine mais en même temps de trouver une ouverture à la technique académique qui est encore aujourd’hui matière vivante.

C’est l’idée principale que les trois chorégraphes et les directeurs de leurs troupes ont défendu pendant la conférence qui a eu lieu avant la première représentation du spectacle.

L’Opéra National de Toulouse dirigé par Kader Belarbi, ancienne étoile de l’Opéra de Paris, a présenté des extraits de Don Quichotte, de La Belle au Bois dormant, de Juliette et Roméo et du Lac des Cygnes, tous dans la version Noureev. Kader Belarbi, très attaché au maître russe et avec qui il a travaillé à l’Opéra de Paris, cherche à transmettre à ses danseurs depuis deux ans le patrimoine et la richesse artistique des chorégraphies de Noureev. La compagnie de Toulouse, malgré sa bonne volonté, a montré des points faibles, surtout dans l’interprétation des danseuses : ni Lauren Kennedy, ni Silvia Sevini n’ont convaincu. Au contraire, il nous reste une belle performance de Maria Gutierrez dans le pas de deux de Juliette et Roméo. Elle montre une grande sensibilité et une grande fluidité dans ses mouvements.

Thierry Malandain a présenté en avant-première sa dernière création, Estro Armonico, qui verra sa première à l’Opéra de Reims au mois de novembre prochain. Le chorégraphe nous a plusieurs fois étonné par sa capacité créative. Cette dernière pièce est une de ses meilleures : il a utilisé les musiques de Stabat Mater et d’Estro Armonico de Vivaldi et il les a réunies sans aucune dissonance. Le ballet se déroule sous l’alternance de ces deux musiques et c’est la danse qui les amalgame.

Moments de tendresses et de religiosité sur le Stabat Mater (on retrouve les images de la Pietà de Michel Ange, où le Christ est allongé sur les genoux de la Sainte Vierge) laissent la place à une danse libre, riche d’énergie et de vitalité, sur les notes de l’Estro Armonico.

Arnoud Mahouy et Irma Hoffren interprètent les instants sacrés avec abandon et sentiment. Dans les scènes les plus vivaces, nous pourrions citer Patricia Velasquez, Fabio Lopéz, Jacob Hernandez Martin et Frédéric Debert, qui sont magistraux sur scène. Thierry Malandain, dans cette pièce, a donné vraiment carte blanche à tout son  » estro  » (mot italien qui signifie créativité) : de la conception des scènes sur le Stabat Mater à celles où les harmonies de Vivaldi imposent un tout autre rythme, arrivant à insérer dans sa chorégraphie des pas de salsa. Les danseurs sont enthousiastes et encore une fois on apprécie la capacité du chorégraphe à rendre encore plus vivante la musique, car les corps des danseurs semblent incarner la corporéité des sons.

Pour compléter le programme, Carmina Burana dansé par l’Opéra de Bordeaux avec la chorégraphie de Mauricio Wainrot. Il s’agit d’une belle compagnie, qui a su bien maîtriser le langage de ce ballet fait de moments à la fois puissants et passionnels. Amour, érotisme, force de la nature et du destin se mélangent dans cette oeuvre dont la musique de Carl Orff reste un des points forts. Les costumes mettent encore plus en évidence l’aspect théâtral de cette pièce qui semble se dérouler dans une atmosphère primitive et tribale.

Le futur de cette coopération reste incertain. Néanmoins elle représente une première étape importante pour que la danse classique puisse réacquérir toute sa valeur, qu’aujourd’hui en France est défendu encore seulement à l’Opéra de Paris.

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