Gameboy

Chorégraphie : Sylvain Huc

Gameboy-ph.Jean François Quay

Dans le cadre du Festival Le Grand Bain, organisé par Le Gymnase CDCN à Roubaix, le danseur – chorégraphe Sylvain Huc (Cie Divergences) présente son nouveau Gameboy.

Littéralement, ces « jeux masculins » se déroulent au Centre National de Roubaix – Ballet du Nord sur le thème récurent de « la masculinité ». Sylvain Huc l’a déjà abordé en menant un laboratoire de recherche avec l’université de Toulouse, succédant à un travail antérieur en anthropologie intitulé « Bestialité, sauvagerie et sexualité féminine en Grèce classique ».

Si la trame de Gameboy reste la même grâce à des danseurs permanents, la performance n’est jamais identique car, à chaque fois, des nouveaux venus « locaux » les rejoignent, en fonction du lieu des représentations : Barcelone, Madrid….

Ce jour, 15 artistes, tous masculins (danseurs, comédiens, amateurs, étudiants…), dont 7 jeunes de Roubaix et des environs, ont travaillé pendant une semaine, chaque jour, pour reprendre les bases de cette pièce et élaborer ensemble par inspiration, par improvisation un Gameboy inédit.

« Des » masculinités interpellent le public, autant par leur différence morphologique que par les tableaux qui s’enchainent pendant une heure, les uns conformes à certaines images et réalités, les autres inventifs et provocants et touchants. La primauté est donnée à l’expressivité des corps, dansée en jeans ordinaires, sans effets de lumière et d’éclairages ciblés, accentuant leur naturel.

Après une entrée dans le silence, chacun s’anime par oscillation, torsion, contorsion ; ils se rassemblent alors que la musique enfle. Les forces vives, les respirations haletantes, les visages riants ou grimaçants se conjuguent ; le groupe monte alors à l’assaut des gradins où est assis le public puis c’est le retour bruyant sur scène, faisant de cette introduction une « danse-théâtre » aux dires de certains.

Un cri déchirant, rageur, interrompt cette bande audacieuse et, là, nous voilà tous avertis d’un drame qu’on ignorait : « Fais chier ! ». « Toujours grand, fort, fier, toujours en érection, toujours dans les starting-blocks, toujours à cacher ses faiblesses…, (faire) jouir… c’est de notre responsabilité…, pourquoi c’est nous qui décidons… ». La masculinité machiste s’énonce.

Mais qui, finalement, en demande autant aux hommes ? Se confrontent-ils à leur auto-positionnement ? Est-ce un fantasme de supériorité qu’il leur faudrait assumer depuis des millénaires ?

La masculinité est polymorphe, dévoilant leur singularité d’êtres.

Ils se découvrent, jusqu’à se mettre à nu dans tous les sens du terme, exposant leur attribut sexuel (pour les volontaires), leurs jeux virils puissants et bêtes, leur consolation, leur légèreté, leur part féminine. Les situations et comportements se succèdent : contentement de l’un imité par l’autre dans un duo, déplacements rapides en ligne et traversées, solo, encerclements et infortunes pour certains ; corps-à-corps en lutte et peau-à-peau empli de désir homosexuel ; sous-groupes en rivalité entre gloire et retenue ; parades d’affrontement ou de séduction ; aveu : « je n’ai jamais pénétré, ni été pénétré » ; crises de nerf très hystériques ; déshabillage frénétique avec effets de torse et de muscles ; hésitation sur la galanterie : « sexisme ou altruisme ? » ; déambulation dans le désordre ; cohésion finale du groupe qui se distend et se resserre et prend la pose avec humour…Beaucoup de sincérité et de vitalité relient les séquences et les hommes, donnant une impression de profonde fraternité. 

En discutant sur le plateau avec les artistes à l’issue du spectacle, un sentiment d’identité et d’appartenance à la vaste « famille » des gameboys se ressent, confirme Sylvain Huc. Il contribue activement à une danse contemporaine dans des rôles de déconstruction idéologique, de socialisation et de révélation de talents inattendus. Une vraie richesse humaine  entendait-on de la part de spectateurs émus et enthousiastes, une admiration amusée ou curieuse de la part de jeunes filles affleurait à l’égard de leurs copains sur scène.

Les gameboys, anciens et à-venir, vont réitérer leurs messages tout en étant en perpétuel renouvellement créatif puisque la Compagnie de Sylvain Huc participe au Festival Montpellier Danse 2018.

Roubaix, 30 Mars 2018

Jocelyne Vaysse

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