Records

Chorégraphie : Mathilde Monnier

ph.Marc Coudrais

La chorégraphie Records, créée  par Mathilde Monnier pendant un confinement de plus de deux mois et à son issue, résulte des conditions même de cette situation : la pandémie de la COVID a installé la restriction de la vie sociétale jusqu’à « l’arrêt des activités » et « l’assignation à résidence » a interrompu les rencontres et les projets, pour Mathilde Monnier. Elle précise encore, dans une interview, être alors parvenue à se défaire « de l’ornementation et du superflu » pour l’amener à se concentrer sur le corps – dansant, mémoriel – en ce qu’elle a vécu, se remémorant ses expériences et les facultés d’incarnation de son corps confronté à la musique et à la spatialité. Le plateau au sol blanc est borné par trois panneaux blancs, celui du fond de scène étant surmonté par un écran où se projette un ciel d’orage alors que grondent des roulements continus de tonnerre, accompagnant l’entrée progressive de six danseuses.

En pantalons, simples baskets et seins nus, elles longent le mur du fond, s’y accolent, certaines restent statiques, d’autres évoluent au sol ; les rôles s’inversent, elles nous regardent, répliquent des mouvements, se redressent, s’immobilisent. L’énergie émanant des coups de tonnerre semble se substituer à celles des corps des danseuses qui bougent à peine ou restent au sol exécutant des mouvements en toute lenteur.

ph.Marc Coudrais

Le thème de l’abstraction et de ses possibilités dynamiques, cher à Mathilde Monnier, se déploie sous nos yeux de spectateurs.

Le ciel nuageux s’est éclairci, peut-être est-ce le seul moyen d’exprimer le temps qui passe et diffuser un air d’optimisme dans cette période particulière : cela entraîne les danseuses à s’engager avec plus d’élan, avec des mouvements parfois frémissants ou bien frappant le mur avec force.

ph.Marc Coudrais

La temporalité rythmique chorégraphique se poursuit sur les extraits musicaux de Luigi Nono et la voix de la soprano Barbara Hannigan, entrecoupés de certains cris et bruits stridents, d’onomatopées et paroles brèves « voilà », « c’est bon », « go », moyens pour s’attaquer avec ironie à certains états sociétaux, accompagnée par des gestes complétement libres. Les artistes agissent brièvement à l’unisson, se dissocient dans des phrasés personnels qui animent l’espace, qui emplissent la scène. Des gestuelles variées, ralenties ou électrisées ; des attitudes gymniques ou inspirées d’arts martiaux ; des postures inventives et des sauts esquissés ; des interactions diverses font appel à la mémoire inscrite dans les fibres de leur chair, l’ensemble donnant à voir les infinies formes du vocabulaire en danse.  

Le ciel finit par rosir, puis rougir, puis embraser la scène, fixant au mur les six artistes, mettant un point final à Records, sous les applaudissements fournis du public. Jusqu’au 15 Janvier à Chaillot Théâtre national de la Danse

Antonella Poli-Jocelyne Vaysse

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