Mirage de Damien Jalet et Kohei Nawa

Chorégraphie : Damien Jalet

Distribution : Ballet du Grand Théâtre de Genève

Musiques : Thomas Bangalter

ph.Gregory Batardon

Artiste associé depuis 2022, Damien Jalet présente sa première création pour le Ballet du Grand Théâtre de Genève, Mirage, fruit de sa collaboration avec l’artiste plasticien japonais Kohei Nawa. 

Ce qui frappe toujours dans la démarche du chorégraphe franco-belge, c’est la recherche du fondamental, de l’essentiel, de l’au-delà aussi. Il en allait ainsi des précédentes collaborations avec Nawa, Vessel (2016) et Planet (2021), tout comme d’autres ballets, tel Skid (2017) qui, sur une scène inclinée à trente-quatre degrés, interrogeait avec audace la gravité. Le mouvement est travaillé, transformé, dénaturé, jusqu’à extraire ce fragment de vérité, un surplus de sens inexprimable que seuls savent dire les corps des danseurs. Souvent la virtuosité du ballet doit s’effacer au profit d’un effet d’ensemble, mais ici la performance possède la puissance d’une expérience totale.

Les métamorphoses de Mirage

Un désert, une dune, des danseurs descendent à pas lents la scène. Le paysage est dépouillé, le sol, aride ; ce monde brûle. Bientôt, après avoir prêté leurs corps à une éphémère éclosion florale, hommes et femmes seront statufiés, comme pétrifiés. Voici la première des métamorphoses proposées par Mirage. Servi par la musique électronique de Thomas Bangalter et les savants éclairages de Yukiko Yoshimoto, l’œuvre mène, en une série de mutations, le spectateur au plus loin de la transcendance, jusqu’aux confins de la danse.

Les transformations de Mirage impliquent l’Homme, l’Art et Dieu.

ph.Rahi Revzani

La métamorphose, c’est toutefois d’abord celle des éléments naturels. Désormais, sur scène, la terre et le feu ont laissé place à l’eau et l’air. Une fine pluie se déverse sur les danseurs. Serait-ce une renaissance ? Pas encore, car le liquide s’évapore et les silhouettes s’évanouissent. La grâce, la voici : un autre filament, coloré et brillant, tombe du ciel, la poudre précieuse habille les corps nus, et ils se mettent à exécuter des pas de deux, admirables et tortueux. Ils s’accouplent. La danse et la vie.

Une dimension cosmique

Le processus va plus en avant cependant, pour atteindre une dimension cosmique. Du collectif, une ballerine se démarque. En des mouvements répétitifs, incantatoires, l’élue génère un nouveau flux, partant cette fois de bas en haut. Son corps se rétrécit, on ne voit plus qu’une onde dorée se dirigeant vers le ciel, avant que ses disciples ne réapparaissent dans son dos et n’imitent les oscillations. Ensemble, ils formeront une membrane, une vulve, une colonne vertébrale, qui est peut-être aussi une échelle suspendue dans les airs – en un geste, l’origine et la finalité.

Le rideau tombe. Le spectateur sait qu’il vient d’assister, en une heure, à des mirages plus vrais que le réel.

Genève, Grand Théâtre, du 6 au 11 mai 2025

Christophe Farquet

 

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