Christine Hassid Project

Aurélien Houette et Mohamed Toukabri, Spectre(s)-ph.Jean Couturier

Son parcours est celui d’une combattante qui veut faire de son travail de chorégraphe un moyen de transmission d’émotions. La danse est l’humanité en mouvement…. affirme-t-elle.  Son choix de travailler par projets nait d’une vision personnelle qui voit la collaboration avec les danseurs comme  parcours de connaissance de l’âme et du corps pour les faire briller.

Christine Hassid commence sa carrière de danseuse attirée par la danse classique.  Bientôt elle est engagée par la Batscheva Ensemble à Tel Aviv  où elle acquière tout le vocabulaire de danse contemporaine de cette compagnie. Rentrée en France à cause de problèmes politiques, elle travaille avec des compagnies de danse contemporaines françaises émergentes et rentre en tant que danseuse et assistante chorégraphe dans la compagnie de Rédha, chorégraphe connu dans les années quatre-vingt pour ses tentatives de démocratiser la danse en faisant jouer dans ses spectacles des danseurs de toutes ethnies, de formations diverses et de physiques de tout genre. Les chorégraphies de Rédha sont alors au répertoire de grandes compagnies, notamment l’Alvin Ailey American Dance Theater.

Cette rencontre est fondamentale pour Christine Hassid qui commence ainsi à voyager dans le monde et qui, en tant qu’assistante à la chorégraphie, s’approche de la création  à travers les corrections des danseurs lors de la transmission des pièces chorégraphiques. Elle a beaucoup de liberté et part souvent  seule pour monter à l’international les pièces de Rédha, comme par exemple avec l’Hat National Ballet (Pays-Bas) où elle dirige une troupe de quatre-vingts danseurs. Indirectement, elle participe au processus de création et se sent de plus en plus attirée par ces moments de contact humain avec les danseurs qui l’épanouissent. Son choix de devenir chorégraphe est fait. En 2012, elle crée sa propre compagnie.

Une autre rencontre qui influence sa carrière est celle de Thierry Malandain, qui lui donne l’occasion de chorégraphier un ballet pendant une manifestation dédiée  aux danseurs amateurs au Pays Basque. Ensuite, en 2014, elle participe au Concours Synodales de Sens avec  Beldurra, une pièce pour trois danseurs remportant le prix Dantzaz- Malandain Ballet Biarritz, puis en 2015 au concours (Re)connaissance, sur proposition du Malandain Ballet Biarritz, où elle obtient le deuxième prix du public.

Personnage hors cadre de par son bagage artistique très riche et varié et pour son style chorégraphique très écrit et musical, Christine Hassid défend ses projets qui se développent à partir d’histoires de rencontres avec les interprètes. En 2015, Aurélien Houette, sujet de l‘Opéra de Paris, propose à Christine de travailler ensemble ; il a apprécié la création présentée au Concours Synodales. La chorégraphe a déjà une idée, celle d’un duo. Avec l’accord d’Aurélien Houette, elle choisit comme partenaire Mohamed Toukabri, danseur tunisien, formé comme boursier à l’école d’Anne Teresa De Keersmaeker et ensuite interprète de Sidi Larbi Cherkaoui. Il souhaite aussi collaborer avec Christine Hassid pour se confronter à des chorégraphies plus écrites pour pouvoir s’éloigner d’un travail basé principalement sur l’improvisation.  

C’est le début de Spectres (s), une pièce qui s’inspire du célèbre Spectre de Fokine et qui se révèle riche et intense dans ses trois relectures.  Christine Hassid relit l’ancien ballet en mettant en avant sa dimension de rêve.  Spectre(s) est constitué d’un triptyque de duos et a été présenté le  16 Septembre dernier pendant  la dernière édition du festival  Le Temps d’aimer à Biarritz. Elle confie à Clément Doumic, musicien du groupe rock Feu!Chatterton,  les arrangements des musiques de Berlioz, Le Songe d’une nuit d’été et de Carla Maria von Weber, L’invitation à la danse.

Les bases du premier duo sont posées en 2015 dans le studio Noureev de l’Opéra de Paris : Benjamin Millepied, alors directeur, avait donné son accord pour les répétitions. Aurélien Houette et Mohamed Toukabri s’entendent à merveille ; ils sont dans un échange très enrichissant : le premier est fasciné par la formation de son partenaire, habitué à un travail au sol prédominant et ce dernier par les qualités de danseurs classique d’Aurélien Houette.  Deux ans plus tard, en janvier 2017, le duo est finalisé grâce à l’accueil en studio du Malandain Ballet Biarritz et aux aides pour la production venues notamment du Ministère de la Culture, de la ville de Bruges et de l’espace Treulon. Ce premier volet a été créé en portant une attention particulière à la dématérialisation des personnages. Leur harmonie est extraordinaire, d’autant plus si l’on tient compte des styles différents auxquels ils sont habitués. Christine Hassid les fait parfois danser ensemble sur les mêmes variations. Aurélien Houette se transforme, enveloppé de mystère, tandis que Mohamed Toukabri surprend par les finitions des élans du corps qui restent libres, notamment les gestes de ses mains qui symbolisent des épines des roses. Les mouvements sont des effluves, il n’y a rien de charnel dans ce rapport qui reste tout à fait spirituel. Ce spectre se révèle une aventure humaine.

Le deuxième duo de Spectre(s) est joué par un homme et une femme, August Martinez et Andrea Loyola. La figure du Spectre est liée à l’image d’une figure féminine qui évoque le rôle maternel dans la création du monde. Il s’agit d’une figure prédominante, symbole de grâce et de force, très élégante. Les portés aériens sont nombreux et très difficiles, donnant à la pièce beaucoup de légèreté. L’attention aux détails est très importante. Mais contrairement au premier duo, les interprètes restent des êtres humains, sans jamais faire ressortir leur sexualité.

Un moment particulier de tendresse vient de la troisième relecture du Spectre. En scène, trois garçons de 16 ans, danseurs amateurs du groupe Dantza Sarean de danses traditionnelles basques. Ici, l’engagement de Christine Hassid pour créer et humaniser la danse apparait est évident. La chorégraphe, attachée à l’œuvre de sensibilisation des jeunes, aime mettre en place dans les villes où elle est accueillie des projets pour les amateurs. Ainsi, elle a travaillé seulement 4 heures par jours pendant 4 jours avec les garçons, en essayant d’éliminer toutes leurs faiblesses dues à l’âge pour mettre en valeur leurs personnalités et en enrichissant leurs mouvements, surtout en ce qui concerne les ports de bras, et plus en général  en les formant au vocabulaire de la danse contemporaine.

Andrea Loyola et August Martinez-ph.Jean Couturier

Andrea Loyola et August Martinez-ph.Jean Couturier

Dans le cadre d’une convention avec le Ministère de la Culture, un projet pilote à l’année a été mis en place. Il prévoit la dynamisation des publics vers la danse et en échange la compagnie développe en autoproduction des weekends dédiés à la chorégraphie. Les 4 et 5 novembre prochains  seront consacrés à un stage Gaga ; ce genre d’initiative  avait  déjà remporté un gros succès l’année dernière. Ensuite, Christine Hassid organisera des rencontres pour les jeunes danseurs qui devront commencer leur carrière professionnelle avec le directeur du Ballet Junior de Genève Sean Wood  et la directrice de Dantzaz, Adriana Pous. Et encore, en cours de programmation,  un événement avec deux chorégraphes  (un émergent de la région et l’autre plus connu) prévu en mai prochain qui se déroulera sur trois weekends avec l’objectif de faire connaître le métier de chorégraphe . Jusqu’en 2020, la ville de Bruges et l’Espace Culturel Treulon accueilleront en résidence Christine Hassid Project.  Spectre(s) sera repris le 26 Avril 2018 à L’Espace Treulon de Bruges dans une soirée Danse Partagée avec  le Malandain Ballet Biarritz qui présentera Nocturnes et Une dernière chanson .

                                                                                                                                                                                         Antonella Poli      

 

 

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