Le Temps d’Aimer nous dit à l’année prochaine

Compagnie Nationale d'Espagne-Minus 16-ph.Bellocq

Le rideau s’est baissé dimanche 20 septembre sur la XXVème édition du festival le Temps d’Aimer. Une étape importante, car elle a confirmé la continuité de l’engagement de Biarritz Culture et du directeur artistique du festival, Thierry Malandain, pour la sensibilisation à l’art chorégraphique et pour sa diffusion.

Certes, l’organisation de cette manifestation, qui reste aujourd’hui l’une des plus importantes en France en termes de résonance et de public, n’est pas à l’abri de grandes difficultés. Dix jours de programmation, l’exigence d’offrir au public une vision la plus ample possible de styles chorégraphiques différents, dans le respect de la qualité, ne sont pas une chose simple à réaliser, d’autant plus que la direction artistique doit faire face de plus en plus à des problèmes budgétaires. Parfois on voudrait inviter certaines compagnies de valeur, mais les choix politiques et financiers dictent leur loi.

Néanmoins, même cette année, le Temps d’Aimer a été à la hauteur de ses attentes, surmontant tous les obstacles qui auraient pu déranger la grande fête. L’énergie de toute l’équipe du festival et le professionnalisme des compagnies invitées ont porté leurs fruits. 22 100 spectateurs dont 11 608 en salle (ce qui fait 94% de taux de remplissage) et 10 500 en extérieur (dont 4 000 au Port Vieux pendant la soirée d’ouverture) sont des chiffres très clairs, qui ne laissent pas de doute et confirment le succès de la manifestation.

 Le dernier weekend du festival, à partir du 18 septembre, a vu se produire d’abord la compagnie basque Kukai Dantza, qui avec les acteurs du Tanttaka Theatre ont porté en scène Komunikazioa/ Inkomunikazioa, une pièce aux moments touchants qui reprend aussi, dans ses parties les plus dansées, certains mouvements typiques des danses basques. Les danseurs et les acteurs interagissent sans aucune dissonance et les musiques de Mikel Laboa marquent le rythme et suscitent la participation du public.

 Toujours au Casino, Samir Calixto a présenté sa relecture chorégraphique de Paradis Lost, le poème de Johnn Milton. Le sujet est déjà en soi-même un peu lourd et le chorégraphe, malgré un début riche en force et qui laissait prévoir un bon travail, n’a pas réussi à maintenir la tension jusqu’à la fin à cause d’un côté narratif de la chorégraphie trop accentué. Les deux danseurs Ewa Sikorska et Quentin Roger ont tout donné à la fois sur le plan physique et expressif mais, surtout dans le final, le tissu chorégraphique a montré ses faiblesses. Samir Calixto devrait retravailler cette pièce qui comporte de bonnes idées, surtout en ce qui concerne la scénographie et l’utilisation des lumières.

A la Gare du Midi, José Martinez et sa compagnie ont offert un très bon spectacle, montrant tout l’éclectisme de cette troupe douée d’un très bon niveau technique. La chorégraphie Sub de Izik Galli a ouvert les danses, une pièce créée seulement pour homme, très esthétique et vigoureuse. Hermann Schermann de William Forsythe, ballet pas tout à fait facile, a été très bien interprété par les jeunes danseurs en scène, autre exemple qui démontre comment le directeur de la Compagnie Nationale d’Espagne a su faire augmenter en termes de qualité et de maturité artistique le niveau de ses danseurs. Un autre changement de registre avec Minus 16 d’Ohad Naharin. Sur des musiques variées, israéliennes et cubaines, de Dean Martin à la techno, les danseurs, qui s’emparent de la technique GAGA du chorégraphe, enthousiasment le public avec leur danse instinctive et pleine d’énergie. Certains spectateurs sont au hasard aussi invités sur scène pour danser avec les vrais danseurs.

What the Body does not remember de Wimvandekeybus a clos le festival. Il s’agit certes d’une pièce âgée mais pas datée, qui reflète l’esprit de violence qui caractérisait d’une certaine manière la danse des années quatre-vingt. Cette pièce a suscité des opinions divergentes dans le public, certains ayant pointé l’absence de la danse. Peut-être aurait-on pu penser à un autre type de spectacle, plus accessible à tous, pour terminer ce festival qui a offert des moments remarquables, y compris à l’extérieur des salles. Quatre compagnies différentes, avec un spectacle itinérant dans les rues du centre ville de Biarritz, ont su faire découvrir l’Ezpata Dantza (Danse de l’épée), un genre de danse basque qui remonte au XVIIème siècle et qui, même aujourd’hui, compte parmi ses danseurs des enfants entre huit et dix ans. A ne pas oublier, le rendez-vous immanquable qui réunit tous les amoureux de la danse, la Gigabarre conduite magistralement par le maître de Ballet Richard Coudray sur la plage du Casino.

Ce festival nous a aussi poussés à réfléchir : les lauréats du Concours (Re)connaissances, qui ont animé la scène du Colisée, ont montré toute la fragilité des jeunes compagnies de danse contemporaine française. Une question se pose: quelles perspectives pour la danse française? D’une part le mot néoclassique est devenu démodé et mal vu, d’autre part les nouvelles créations n’ont pas beaucoup à dire. Thierry Malandain, directeur artistique du Temps d’aimer, reste pensif, et prépare entre temps sa nouvelle création, La Belle et la Bête, attendue pour le mois de décembre prochain.

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