Ban-Ping Shan

ph.Jocelyn Cottencin

La programmation du 43ème festival Montpellier Danse présente la création de I-Fang Lin et de Jocelyn Cottencin, Ban-Ping Shan.

I-Fang Lin, danseuse, performeuse et chorégraphe, croise de nombreux artistes de renom, dont Mathilde Monnier, Christian Rizzo, Emmanuelle Huynh, Fabrice Ramalingom, Boris Charmatz. Née à Taiwan, elle est accueillie en résidence au NTCH à Taiwan en 2019.

Elle fonde le Studio Maiastra qui promeut ses propres créations, rejoint les Scènes Croisées de Lozère et contacte des danseurs amateurs pour lesquels elle revisite des pièces à partir d’œuvres de répertoire.

Elle s’attache à créer des pièces en symbiose avec l’artiste plasticien et performeur Jocelyn Cottencin, associé par ailleurs au master exerce / CCN de Montpellier et intervenant dans diverses écoles en France et à l’étranger.

La pièce Ban-Ping Shan (2023) s’appuie, en fait, sur une pièce antérieure Ebloui dont la sortie dans la saison 2021-22 est perturbée par la situation sanitaire du Covid. Sa reprise intensifie le dialogue étroit entre I-Fang Lin et Jocelyn Cottencin qui en assure la scénographie (espace, lumière, son) ; il en résulte une nouvelle co-création augmentée pour laquelle I-Fang Lin a été accueillie en résidence à l’Agora, cité internationale de la danse. La pièce est présentée au théâtre La Vignette.

Ban-Ping Shan, montagne du village où est née la danseuse-chorégraphe à Taïwan, figure sur un tissu déroulé horizontalement en fond de scène à la manière d’une estampe chinoise. Un paysage de sapins noyés dans la brume et dans une fumée pulvérisée sur scène, accueille I-Fang Lin, interprète même de sa création.

Elle entre en scène de façon solennelle, allume un bâton d’encens et dépose une coupe de fruits. Puis, elle entreprend méthodiquement d’enlever des voiles colorées et ses vêtements traditionnels pour les déposer épars au sol, et finir dans la banalité anonyme d’une simple brassière, short et sneakers gris.

Ce déshabillage est en fait un dépouillage vécu personnellement, symbolisant la destruction progressive d’un environnement boisé et d’une vie animée anéantis au profit d’entreprises industrielles pétrolières.

Le paysage scénique de J. Cottencin induit une image très douce et poétique que I-Fang Lin souhaite voir idéalisée, « universelle, sans localisation » susceptible d’être captée par l’imaginaire et la sensibilité de chaque spectateur, partout dans le monde.  Cet engendrement veut réactiver en même temps le souvenir des êtres familiers de ces lieux, des croyances chamaniques et des revenants peuplant l’au-delà.  

L’émotion est vive quand la toile peinte se décroche, imposant une réalité dans laquelle on est forcé d’entrer, espace où I-Fang Lin déambule et déploie des mouvements dansés sur fond musical. Puis, dans le silence, elle installe un dispositif vidéo et déplace son corps de façon que des lignes écrites s’y projettent. Sur sa chair omniprésente -bras, cuisse, ventre…- on peut lire petit à petit les mots d’un message en lettres majuscules : « Que je suis la seule à pouvoir voir les petites choses. parfois je vois la peau se transformer avec la respiration ».

Elle s’éloigne, ébauche une leçon de danse classique et suggère par des gestes souples des bras un Lac des cygnes, loin de sa culture d’origine dont elle semble nostalgique par ses mimiques. Et même très privée car son solo s’achève par une marche dos au public, puis, prise d’une forte agitation telle une transe, elle exécute quelques gestes d’imploration et de désolation.

Cette histoire dansée très émouvante est avivée par un brouillard onirique qui se déchire et invite à réfléchir quant aux situations concrètes et investissements contemporains controversés.

La complexité sonore, musicale, visuelle intriquée à la danse est appréciée et très applaudie.

 Montpellier, 4 juillet 2023

Jocelyne Vaysse

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