Empire of Flora

Chorégraphie : Michèle Murray

ph. Ronan Muller

La danseuse et chorégraphe franco-américaine Michèle Murray, ayant acquis un bagage classique et d’autre part contemporain auprès de Merce Cunningham, fondatrice d’une compagnie devenue en 2008 la Murray / Brosh Productions est à nouveau présente à la 42ème  édition du Festival Montpellier Danse pour le plus grand plaisir des professionnels et des spectateurs.

Pour la création qu’elle présente cette année, Michèle Murray s’est appuyée sur les arts et s’est attachée à expérimenter leur relation.

La peinture d’abord. Elle s’est inspirée d’un peintre célèbre du 17ème siècle Nicolas Poussin (1594-1665) illustrant l’histoire gréco-romaine des métamorphoses en fleurs de plusieurs personnages mythologiques, retrouvés dans l’œuvre classique Le Triomphe de Flore  (1631, Musée du Louvre), et d’autre part de l’américain contemporain Cy Twombly (1928 – 2011). Ce dernier esquisse et superpose des graffitis linéaires, grattages, griffonnages en boucle, taches fleuries informelles et coulures colorées…, dont un exemple synthétique est fourni par des œuvres abstraites similaires  Empire of Flora (1961, Hamburger Bahnhof Museum, Museum zu Berlin, Centre Pompidou Paris).  

La musique ensuite. Elle installe sur scène un DJ set manié par Lolita Montana.

Sur un plateau à l’éclairage initial rose fuchsia et sur une musique jazzy rythmée, quatre danseurs s’avancent, un à un, en T-shirt et pantalons colorés pour exécuter divers tableaux motivés par le printemps, en ce que cette saison signe l’abondance et la force des transformations, cherchant à créer -selon les termes de Michèle Murray- « un printemps des corps ».  

Parallèlement, la musicienne de la scène électronique française s’affaire aux platines simultanément aux évolutions dansées, mettant à l’épreuve le dialogue, l’indépendance ou le combat des arts entre eux.

Il s’agit, pour la chorégraphe, et ses quatre artistes, d’explorer de « nouvelles manières de danser » à partir de sources écrites fixées et d’écritures spontanées, en les opposant ou en les reliant. Les séquences variées se suivent, offrant un florilège de formations structurelles différentes, temporelles et rythmiques à pas sautés, glissés, déboulés, aux figures complexes avec cabrioles et tours. Dans des mouvements relationnels, les danseurs tendent à se regrouper puis à se déployer, à passer par des duos agrémentés de portés d’homme à homme, déconstruisant ainsi les rituels convenus sexués de la danseuse soulevée par le partenaire, et à s’affirmer dans des soli contrastés.

Au-delà d’une belle diversité qui puise dans « ce que peut le corps », nourrie par leur histoire mémorielle et sensorielle en propre, les interprètes sont unis par la qualité des gestes, postures et déplacements d’une extrême précision, d’une énergie contenue, d’une esthétique affirmée, dégageant à la fois la puissance et la grâce. Ils deviennent « générateurs et transmetteurs » de vitalité et de désir » précise Michèle Murray. Chaque expérience est donc profitable en soi et partageable, entrant en résonance avec ce propos de Cy Twombly dans une interview : « chaque ligne est une expérience avec sa propre histoire innée ; elle n’illustre pas, elle est la sensation de sa propre réalisation »

Le public est très sensible à ce vaste éventail entrelaçant les arts, dont l’impression est surtout leur conjugaison harmonieuse et  leur enrichissement réciproque.

Montpellier, Théâtre de la Vignette 30 Juin 2022

Jocelyne Vaysse

 

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