La danse de Claude Brumachon et Benjamin Lamarche

Claude Brumachon et Benjamin Lamarche, directeurs du Centre Chorégraphique de Nantes arrivent en région parisienne en ce mois de juin pour présenter Phobos au Théâtre de Bézon et deux spectacles déambulatoires au Musée Bourdelle de Paris.

Avec Phobos, ballet créé en 2007, Claude Brumachon aborde le sujet de la peur, une peur qui n’est pas seulement subie mais qui est aussi rageuse et riche de violence. Le début du spectacle voit les danseurs sur le fond de la scène, à peine éclaires. Ils sont immobiles, presque étouffés dans l’espace restreint qui les entoure. Leur corps dénudés avancent sur scène, des trios se succèdent sur le plateau où s’installent des spectateurs. La danse ne cesse de montrer sa force à travers ces corps tourmentés qui n’arrêtent jamais de montrer toute leur puissance. C’est l’aspect animal, qui caractérise le style de Claude Brumachon qui émerge sans aucun doute.

On peut parler ainsi d’une esthétique de l’animalité faite aussi d’orgie et de brutalité.

Phobos dévoile un univers irrationnel où des véritables peurs, dérivées des abus du pouvoir politique ainsi que des humains, se mêlent à celles créées par notre inconscient. C’est l’image du corps déchiré qui apparaît constant pendant toute la durée de ce ballet, un corps symbole de doleur et faiblesse qui se manifeste dans toute sa beauté furieuse.

La musique, des pièces de Bartok et de Gorechy, accompagnent à merveille cette pièce touchante, intime et qui incite à une profonde réflexion.

Au Musée Bourdelle Claude Brumachon retrouve le monde des Beaux Arts où il s’était formé avant de commencer sa carrière de chorégraphe. Il honore avec ses chorégraphies, à la fois justement sculpturales et physiques, l’oeuvre du sculpteur auquel le musée est consacré.

Ecorchés Vifs crée en 2003 pour le Musée Bourdelle et Opulences tragiques, créé en 2011 à Nantes en occasion de l’exposition Le Théâtre des Passions au Musée de Beaux Arts, transforment les salles de cette institution parisienne, lui donnant une allure complètement différente. Les corps de danseurs, avec toute leur plasticité et leurs costumes réduits, semblent s’intégrer aux sculptures qui, presque par magie, semblent déambuler avec eux.

La danse, faite de tableaux de duo et de trios, montre toute sa beauté dans la construction de ses mouvements, dans la conception des portés, ainsi que dans la force physique qui s’apparente à celle des statues.

Ecorchés Vifs est une pièce forte, l’amour et le combat sont là sans aucune hésitation. Les musiques d’Esther Lamandier, de Beethoven et les musiques liturgiques vocales du XIV siècle font voyager le public, fasciné par l’atmosphère qui l’entoure. Remarquable est le solo dansé par Benjamin Lamarche : la sueur, la force et la gestualité fortement expressive clôturent cette pièce.

Avec Opulences Tragiques on rentre dans le monde des grandes figures mythiques : Iphigénie, Clytemnestre, Médée, Athalie et Cléopâtre sont incarnées par les danseuses. La chorégraphie se confronte ainsi avec l’histoire d’époques lointaines qui redeviennent réelles et vivantes.

Le ballet fait de scènes de chutes, de luttes et d’embrassades est puissante et saisissante, les muscles des danseurs se tendent et se relâchent vigoureusement. Il y a là de la tension, de la force, et toute une panoplie de sentiments intenses tels que l’angoisse, la tristesse et la douleur.

L’intensité des masques des visages des protagonistes, porteurs de leurs états d’âme, ne s’affaiblit pas même s’ils ne sont plus en rapport avec les tableaux du XVII siècle qui avaient inspiré cette pièce.

Encore une fois une réussite et une confirmation de la recherche chorégraphique de Claude Brumachon et Benjamin Lamarche qui ne cessent de nous toucher avec leur danse investigatrice de l’infinie valeur signifiante du corps humain.

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