Lascaux

Chorégraphie : Stefania Ballone

Distribution : Stefania Ballone, Edoardo Brovardi, Margherita Pellerano

Musiques : Giulio Colangelo, Vittorio Montalti

En Italie, la danse contemporaine, restée longtemps discrète, occupe aujourd’hui une large place sur les scènes théâtrales du pays, hormis bien entendu celles des Opéras où règnent encore la grande tradition classique ou néo-classique. Plusieurs festivals lui sont désormais dédiés et parmi eux, Milano Oltre qui s’est déroulé dans la capitale lombarde du 28 septembre au 15 octobre .

Chaque année, cette manifestation, une des premières à s’être intéressée au contemporain, invite des artistes internationaux (comme récemment Marie Chouinard ou Anne Teresa De Keersmaeker) et programme de jeunes chorégraphes émergents. C’est dans ce cadre que Stefania Ballone, artiste résidente de Milano Oltre, a présenté Lascaux, sa dernière création. La jeune femme n’est pas nouvelle sur la scène chorégraphique italienne.

En 2016, elle avait déjà réalisé un duo qu’elle dansait avec l’étoile Massimo Murru et en 2021, un autre duo, Solitude, qui avait été particulièrement applaudi. Après sa participation à diverses manifestations, Ballone crée cette fois une œuvre plus importante : un trio de 55 minutes ! La pièce tire son inspiration –ainsi que son titre- du très beau texte écrit par Georges Bataille en 1955 : Lascaux ou la Naissance de l’Art. Après avoir visité plusieurs fois la célèbre grotte et admiré ses peintures préhistoriques, l’écrivain entrevoyait dans cette réalisation artistique d’il y plusieurs milliers d’années « l’aurore de l’humanité » comme si, par la découverte de la représentation, l’homo faber s’arrachait à une pure existence de survie pour devenir un homo ludens capable de laisser « un signe tangible de sa présence dans l’univers ». Le spectacle rend compte de cet arrachement avec suffisamment de subtilité pour éviter la simple illustration.

Lascaux-Stefania Ballone

Les gestes, d’abord lents et hésitants, ensuite plus décidés, font référence aux animaux représentés dans la grotte tout en restant abstraits. De même, les dessins sur des collants académiques qui adhèrent au corps, peuvent rappeler les peintures rupestres de Lascaux par leurs couleurs et leurs lignes sans toutefois les imiter.

La ténébreuse et mystérieuse musique électronique que Vittorio Montalti et Giulio Colangelo, les deux compositeurs installés au fond de la scène, interprètent en live, chacun derrière sa console tandis que les trois danseurs vont peu à peu quitter le sol pour tenter d’atteindre la lumière, rappelle également la Caverne de Platon où, tournant la tête dans un mouvement presque dansant, l’homme se déprend de l’ignorance et éprouve l’exaltation de la liberté. Une seule régie commande musique et lumières, celles-ci trouant l’obscurité de la grotte selon les sons qui les commandent

Chacun des interprètes possède sa propre partition chorégraphique insérée dans une unité de style que Ballone semble avoir désormais trouvée. Membre du corps de ballet du Théâtre de la Scala, la danseuse a su profiter des grands chorégraphes dont elle a interprété les œuvres pour atteindre sa propre forme épurée.

Stefania Ballone, Edoardo Brovardi, Margherita Pellerano

On peut y déceler, comme une trace, l’espace multiplié et le formalisme de Cunningham ou encore le minimalisme d’une Lucinda Childs. Le plaisir vient aussi de l’interprétation. La solide formation classique de Ballone confère à son mouvement rigueur et précision. Quant aux deux danseurs contemporains qui partagent la scène avec elle, ils ne sont pas en reste : Edoardo Brovardi possède une présence physique qui s’affirme dans un joli solo tandis que Margherita Pellerano fait preuve d’une délicatesse veloutée d’où toute mollesse est abolie. 

Milan, Teatro Elfo Puccini, 15 octobre 2023

Sonia Schoonejans                                                      

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