Jerome Robbins

Chorégraphie : Jerome Robbins

Distribution : Les étoiles, les premiers danseurs et le Corps de Ballet de l'Opéra national de Paris

Hannah O'Neill et Hugo Marchand-En Sol-ph.Svetlana Loboff

Le Ballet de l’Opéra National de Paris présente jusqu’au 10 Novembre une soirée dédiée au chorégraphe américain Jerome Robbins.

Il a toujours considéré l’Opéra National de Paris comme sa seconde famille après le New York City Ballet, compagnie pour laquelle il créa de nombreux ballets en tant que Directeur Général à côté de George Balanchine, après avoir fondé le Ballet Theater, aujourd’hui American Ballet Theater. Il était attaché à la troupe parisienne, en essayant de joindre toujours la perfection à la rigueur stylistique. Infatigable, il était capable de changer des passages de ses chorégraphies jusqu’au lever de rideau.

Il n’était pas seulement un perfectionniste ; ses qualités d’artiste éclectique couronnaient sa carrière et c’est ce que le public du palais Garnier peut aussi apprécier tout au long du spectacle.

Les pièces présentées sont : En Sol, In the night et The Concert. Ces trois pièces sont complétement différentes. Néoclassicisme, musicalité et ironie sont les traits qui les caractérisent. Nous allons découvrir pourquoi.

Si En Sol (1975) rappelle les atmosphères de Broadway chères à Robbins ou amène le spectateur dans l’ambiance espiègle d’une plage ensoleillée en pleine été, ses passages centraux font référence à un néoclassicisme épuré, où la recherche esthétique de belles lignes est très évidente. Les pas de deux de cette partie, dansés par Hannah O’Neill et Hugo Marchand, constituent des moments d’harmonie et de grâce. Leurs pirouettes et arabesques étincellent le plateau. La chorégraphie n’est pas totalement abstraite ; en fait, dès le début, elle essaie d’instaurer un dialogue entre les deux interprètes, qui avancent sur la scène en marchant l’un vers l’autre ou en s’éloignant. Les lignes néoclassiques de ce ballet, ainsi que les costumes, peuvent nous rappeler aussi Apollon Musagète de George Balanchine. Cette parenthèse centrale de finesse est précédée et succédée par deux moments où les interprètes du Corps de Ballet, en maillots de bain colorés, dansent joyeusement.   

In the night (1970) peut être considéré comme un hymne, d’une part au romantisme de Frédéric Chopin et d’autre part à la musicalité de Robbins. Le chorégraphe imagine trois moments de la vie amoureuse d’un couple : la découverte, l’apaisement et le trouble.

Sur les notes du Nocturne pour piano op.27 n.1, les étoiles Sae Eun Park et Paul Marque avancent des coulisses vers le milieu de la scène. Avec leur gestuelle harmonieuse imprégnée de fraîcheur et la délicatesse dégagée par chaque pas, ils nous entrainent à vivre l’alchimie du couple. Les deux étoiles se laissent transporter l’un dans les bras de l’autre : les ports de bras de Sae Eun Park sont très amples et très fluides, ils peuvent symboliser une sorte d’état de grâce vécue par la danseuse. On la remarque particulièrement par rapport à d’autres spectacles où elle émergeait plutôt pour sa technique que pour son expressivité. Son partenaire la suit attentivement, entrant en parfaite syntonie avec elle. Les nombreux portés rendent la chorégraphie aérienne.

La deuxième partie de la pièce reflète les intentions du chorégraphe, un moment d’épanouissement. Les notes du Nocturne pour piano op.55 n.1 accompagnent les étoiles Ludmila Pagliero et Mathieu Ganio dans leurs promenades au rythme posé et calme, complétement synchrones.

Le registre change avec la dernière partie : le couple formé par l’étoile Amandine Albisson et le premier danseur Audric Bezard se livre au trouble des sentiments. Les moments d’attachement et d’éloignement sont marqués par des portés presque acrobatiques, capables d’exprimer les états d’âme. Certes, l’intensité des notes du Nocturne op. 55 n.2 inspire tout à fait la chorégraphie.

Amandine Albisson et Audric Bezard-In the night-ph.Svetlana Loboff

Le tableau final où les trois couples sont sur scène représente une synthèse des trois moments précédents. Il est conçu avec un regard profondément humain qui illustre les possibles parcours sentimentaux d’une vie. Les interprètes dansent ensemble, réunis par des pas de valse.

L’âme de comédien musical de Jerome Robbins ressort dans In the Concert (ou les malheurs de chacun) (1956), encore sur des musiques de Frédéric Chopin. L’ironie domine du début à la fin. Le chorégraphe construit le ballet sur une série de sketchs qui au fond s’inspirent de moments de vie commune, notamment la divergence de goûts entre un homme et une femme à l’écoute d’un concert. Il livre aussi une parodie du ballet classique, imaginant un groupe de danseuses qui volontairement manquent de coordination entre elles, ou les transformant en poupées inertes transportées par leurs partenaires. Le personnage principal, La Ballerine, interprété par l’étoile Léonore Baulac, ne manque pas au rendez-vous. Avec sa combinaison bleu ciel et son grand chapeau, elle représente les aspects malicieux et vaniteux de la femme.

Nous avons vécu une soirée éclectique et complète qui rend hommage au chorégraphe américain, grâce aux belles performances de tous les danseurs du Ballet de l’Opéra national de Paris, apparus en bonne forme.

Paris, Opéra Garnier, 26 octobre 2023 – Jusqu’au 10 novembre

Antonella Poli

Le trailer du spectacle : 

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