Une Maison
Chorégraphie : Christian Rizzo
Distribution : Youness Aboulakoul, Jamil Attar, Lluis Ayet, Johan Bichot, Léonor Clary, Miguel Garcia Llorens, Pep Garrigues, Julie Guibert, Ariane Guitton, Hanna Hedman, David Le Borgne, Maya Masse, Rodolphe Toupin, Vania Vaneaau
Musiques : Pénélope Michel et Nicolas Devos
Christian Rizzo, avec sa dernière création Une Maison, a ouvert la 39ème édition du Festival Montpellier Danse. Le titre pourrait nous faire penser que le chorégraphe, directeur du CCN-Montpellier-Occitanie, souhaite réfléchir sur un lieu normalement chargé de signification pour tous les individus. Famille, sentiments, contrastes, souffrances, deuils, joies : tous ces états d’âme apparaissent dans une maison, quoi que l’on puisse faire référence à cet « endroit » au sens réel ou plutôt figuratif.
Néanmoins, ce qui surprend dans ce travail chorégraphique, c’est l’existence dès le début de la pièce d’un sens d’ « absence » décliné sous différentes facettes. Tout d’abord, un manque d’identité car l’interprète solitaire qui ouvre Une maison a le visage complétement masqué, neutre, restant entièrement anonyme pour le spectateur. Deuxièmement, il n’y a aucun décor sur scène, sauf un cumul de terre qui sera dispersé dans l’air. Troisièmement, Christian Rizzo questionne les relations humaines avec leur fragilité, leurs difficultés à se développer, d’une certaine manière avec aussi toute leur faculté de se néantiser. Cela reste évident malgré la recherche d’un sens d’intimité que l’on ressent, soit dans les moments de couple, soit dans des scènes plus chorales où le désir apparent de cohabitation laisse place à la dissolution de tout rapport entre les individus. Les perceptions physiques et corporelles existantes entre les interprètes disparaissent, les vibrations vitales s’éteignent.
Et c’est à ce moment particulier de la pièce qu’un danseur au sommet de cette accumulation conique de terre commence à la disperser jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de sa forme originale.
Symboliquement, cet acte renvoie à un message de destruction, d’abandon d’espoir et de toute illusion fondée de s’approprier ou de retrouver notre propre maison.
L’écriture chorégraphique de Christian Rizzo, toujours très géométrique et précise, est ici présente avec toute sa puissance. Par rapport au style développé dans son précédent opus, une trilogie comprenant D’après une histoire vraie (2013), Ad noctum (2015) et Le sindrome Ian (2016), dans Une Maison on peut constater une évolution dans le sens d’une plus grande précision de la gestuelle et d’une capacité plus forte à entraîner le spectateur dans son univers.
Encore une fois, comme dans le passé, il donne beaucoup d’importance au seul élément de décor présent sur scène : une structure lumineuse polyédrique dominant d’en haut l’espace des danseurs et évoquant une galaxie lointaine où l’humanité pourrait se réfugier. Christian Rizzo confirme donc son goût d’utiliser des installations de lumières pour accentuer l’atmosphère créée par ses quatorze danseurs. Les créations musicales de Pénélope Michel et Nicolas Devos accompagnent les spectateurs vers le final où toute présence humaine est supprimée : les danseurs, portant sur leurs visages des masques d’animaux et de cadavres, entament une danse circulaire et ouvrent la porte à l’apparition sur le plateau d’un fantôme. Figure éthérée, voyage dans notre mémoire pour la perte d’une personne chère, elle est le message ultime de cette pièce.
Théâtre Jean-Claude Carrière -Domaine d’Ô, Montpellier, 22 juin 2019
Antonella Poli
Teaser — une maison de Christian Rizzo (création 2019) / 39e Festival Montpellier Danse from montpellier danse on Vimeo.