Cendrillon

Chorégraphie : Maguy Marin

Distribution : Ballet de l'Opéra de Lyon

Musiques : Sergueï Prokofiev

Cendrillon, ch.Maguy Marin-ph.Jaime Roque de la Cruz

Dans le cadre de la nouvelle saison de TranscenDanses, le Théâtre des Champs-Elysées à Paris a présenté l’une des célèbres pièces de Maguy Marin, Cendrillon.

En 1985, année de sa création pour le ballet de l’Opéra de Lyon, elle était résolument novatrice, contribuant à diversifier la danse néo-classique. Elle reste aujourd’hui une prouesse talentueuse qui plonge toujours le public dans l’univers de l’enfance et dans ses attentes… Les jouets, sortis d’un coffre de chambre d’enfants, s’incarnent et convient Cendrillon à les rejoindre.

C’est, en fait, la transposition d’une « comédie humaine » qui se déroule sous nos yeux, un mirage où le fantastique merveilleux et le grotesque se rejoignent, où le réel et l’imaginaire se confondent ; tout en rapportant l’histoire* d’une fille, maltraitée par sa belle-famille, qui se prend à rêver. Cette « souillon », transformée en une jeune beauté chaussée de pantoufles de « verre / vair (fourrure) » par la volonté d’une fée marraine, séduit un prince en quête d’amour.

Entrons dans la vie secrète de la maison des jouets avec Cendrillon.

Vêtue d’un tablier sur un justaucorps blanc, balai à la main, épuisée, elle entrouvre avec appréhension un grand coffre vert déposé dans la salle qu’elle nettoie et découvre une poupée de chiffon qui la réconforte parmi les marionnettes qui s’échappent. Sur scène, des mouvements dansés campent des comportements enjoués, peureux, grossiers, orgueilleux, audacieux, émotions non lisibles sur les visages cachés par des masques joufflus au regard fixe. A la virtuosité académique s’ajoute un style emprunté à la pantomime avec une certaine théâtralisation accumulant des pseudo-maladresses, des balancements raides d’automates, des culbutes terminées en grand écart, des trios malicieux.

La musique de Prokofiev est interrompue par moment par des babils et rires enfantins accentuant une ambiance libre et ludique.

Dans les étages de cette maison, les personnages s’animent. Le chevalier censeur avec son glaive lumineux apparaît, suivi du prince et de sa cour qui l’adule. Ce dernier aperçoit Cendrillon dans une petite robe seyante aussi rose que ses chaussons ; insouciante, elle s’amuse et quitte le plateau en petite voiture à roulette. 

Un banquet prend place et régale les convives invités au bal, ils tracent à la craie une marelle sur le sol, manient une corde à sauter, jeux d’écolières auxquels se prête une Cendrillon énamourée par un prince décidément très convaincant alors qu’une grosse pendule indique l’heure.

Les 12 coups de minuit retentissent mettant fin à l’enchantement ; Cendrillon se précipite et, glissant dans les escaliers, perd une pantoufle.

La réalité s’impose. Cendrillon met son tablier, s’affaire pieds nus puis évolue avec tristesse autour de son balai posé sur une chaise figurant son amoureux, pendant que celui-ci, juché sur son cheval de bois, cherche la propriétaire de la pantoufle. Se succèdent des rencontres opportunistes, des tentatives vaines de séduction par ses demi-sœurs, des étrangères charmantes : danseuse espagnole esquissant un flamenco, orientale mystérieuse dans ses voiles exécutant une danse du ventre accompagnée par son chameau et des palmiers en carton jusqu’à l’essayage réussie de la pantoufle qui sied au pied de Cendrillon, révélant ainsi son identité et sa condition modeste qui ne rebutent pas le prince.

Derrière un voile translucide à l’avant-scène, les interprètes se figent telle la dernière image illustrant le conte. Mais Maguy Marin poursuit l’histoire et suggère « qu’ils furent heureux et eurent beaucoup d’enfants » par le tableau final où le couple entre en scène suivie d’une ribambelle de poupons en celluloïd.

Semblables à ceux qui, dans notre enfance, ont su consoler nos chagrins et entendre nos confidence.

Paris, Théâtre des Champs Elysées, 27 Septembre 2018

Jocelyne Vaysse

* Il existe plusieurs versions du conte, dont celles de Charles Perrault (en 1697) et des frères Grimm (en 1812) mais il s’agit toujours d’une mise à l’épreuve de soi, d’une confrontation psychologique entre le désir et le surmoi par le biais d’un objet – symbole, pantoufle à la recherche de « son » pied idéal / idéalisé, à l’image du couple parfait auquel aspire l’humain qui projette ses fantasmes. On peut y voir aussi une allusion à une cause sociale, toujours d’actualité : la maltraitance (violence envers les femmes, les enfants, famille pathologique…), l’encouragement à dénoncer et à résister à la soumission masculine pour une vie meilleure.

 

 

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