Giselle

Chorégraphie : Akram Khan

Distribution : English National Ballet

Crystal Costa et Aitor Arrieta-ph.Laurent Liotardo

Depuis 1841, année de sa première représentation, le ballet Giselle n’a jamais cessé de nous enchanter. L’histoire de la simple villageoise qui meurt à cause de la trahison de son aimé, du royaume des Wilis, jeunes filles mortes par amour, qui grâce à leur longs tutu blancs représentent un des exemples les plus remarquables de la danse classique, a été réimaginé par Akram Khan pour l’English National Ballet. Le chorégraphe, devenu célèbre pour avoir su créer son style personnel en mariant le Kathak, danse traditionnelle du Nord de l’Inde avec la danse contemporaine, modernise ce ballet, un important défi face à un monument du répertoire.

Giselle est une femme qui travaille dans une usine textile au XIXème siècle à Manchester. Cela crée une connexion avec la terre natale d’Akram Khan, le Bangladesh, pays qui souffrit la même crise industrielle du textile que l’Angleterre dans la deuxième moitié du XIXème siècle. En fait, Akram Khan fonde sa nouvelle version sur des propos économiques pour montrer les conséquences de l’exploitation des ouvriers et les contrastes existants entre ces derniers et la bourgeoisie.

La présence de l’histoire d’amour entre Giselle et Albrecht reste intacte. Le ballet dévoile une force extraordinaire : la puissance du langage contemporain d’Akram Khan se conjugue avec le classique. La présence d’arabesques et de lifts sont les éléments les plus surprenant de ce mariage insolite. Et cette reconstruction est aussi extrêmement touchante grâce aux interprétations de Crystal Costa (Giselle) et d’Aitor Arrieta (Albrecht).

La chorégraphie réserve au public des moments de poésie. Les pas de deux, apparemment simples, parlent au cœur du public. Giselle et Albrecht transmettent sur scène toute leur joie et l’émotion de leur flirt avec beaucoup de générosité et de manière très naturelle. La scène de la folie qui clôt le premier acte se déroule dans le silence et dans l’immobilité de Giselle au sol. Dans le deuxième acte, les Wilis incarnent des femmes qui ont succombé au dur travail. Les cannes en bambou qu’elles serrent dans leurs mains représentent à la fois leurs outils de travail et leurs armes de combat contre leur condition d’esclaves. Leurs habits sont bien loin des tutus blancs : elles sont pauvrement vêtues, leurs jupes entourant leurs corps comme des serpillières. Dans cet acte, Akram Khan introduit les pointes : les Wilis, frappant le sol avec leurs cinquièmes croisées, semblent s’approcher du public pour l’envahir. Myrtha reste toujours très autoritaire, encore plus que dans la version classique. Son rôle demande une plus grande interprétation car les pas plus techniques, notamment les grands jetés, sont absents. Le final voit disparaître Albrecht derrière un mur, seul élément du décor, symbole de la différence de classe existante entre lui et Giselle.

La musique très originale de Vincenzo Lamagna est contemporaine et créative tout en reprenant les thèmes les plus célèbres de la partition d’Adolphe Adam. Elle accompagne et met en valeur la nouvelle dramaturgie du ballet.

Malgré sa simplicité apparente, cette Giselle reste exemplaire tout en mettant en valeur les qualités de son chorégraphe et celles des danseurs de l’English National Ballet. Elle prouve comment différentes formes de langage chorégraphiques peuvent cohabiter, si les propos sont cohérents.

Londres, Sadler’s Well, 28 Septembre 2019

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