Poil de carotte

Chorégraphie : Fabio Lopez

Distribution : Eléonore Dugué, Fabio Lopez, Aureline Guillot, Virginia Negri, Geoffrey Piberne,

Musiques : Thierry Eschaich

ph.Stéphane Bellocq

« Poil de Carotte », la dernière création pour cinq danseurs de Fabio Lopez présentée à Biarritz pendant le festival Le Temps d’Aimer nous plonge dans le monde cruel du  personnage romanesque de Jules Renard. Le jeune et talentueux chorégraphe, ancien danseur du Malandain Ballet Biarritz s’inspire de cette œuvre autobiographique pour mettre en scène la complexité des rapports  parents-enfants.  La scène est jonchée de petites boules de différentes couleurs, rouges, jaunes, vertes. Des créatures mystérieuses les ont  déversées comme autant de symboles oniriques évoquant les rêves et souvenirs du personnage.  Seul autre élément du décor : un matelas, symbole du lieu où le protagoniste  peut à la fois trouver refuge et s’abandonner à son monde intérieur. Un choix chorégraphique judicieux qui rend compte de l’ambiguïté du personnage, un petit garçon roux mal aimé, victime de sa mère, poursuivant avec ruse la quête de l’amour et de la reconnaissance.

Le choix du livre est en partie motivé par un souvenir anecdotique : dans les années deux mille, Fabio Lopez était danseur à l’Ecole de Rudra dirigée par Maurice Béjart. Ce dernier aurait émis le souhait de concevoir une chorégraphie inspirée de ce même texte.

Un souvenir ou un rêve que Fabio Lopez aurait gardé précieusement à l’image de ceux qui animent cette création. Le spectacle évoque la tristesse d’un enfant détesté par sa mère, en proie à des sentiments de désespoir, d’angoisse et de soumission. A la différence du roman structuré sous forme de récits et ou tableaux, la chorégraphie ne respecte aucune structure narrative.

Elle ne procède pas par épisodes mais réussit à créer un monde sans limites spatiales ni temporelles, un univers où seules les émotions sont perceptibles. Inutile de chercher des similitudes précises avec les personnages du roman. Seule la mère austère et autoritaire fait exception. Le spectateur peut être surpris de ne pas retrouver les éléments esthétiques d’un ballet néoclassique mais la chorégraphie lui réserve des passages sur pointes, et une gestuelle bien codifiées. La mise en scène et la dramaturgie sont en premier plan ; Fabio Lopez souhaite marquer sa création pour la différencier des autres et la libérer du poids chorégraphique de son passé de danseur. Décision courageuse qui l’a amené à proposer une formation théâtrale à ses danseurs, le résultat est naturellement au rendez-vous. Le choix musical est à la hauteur des accents chorégraphiques.

Le compositeur Thierry Escaich a créé une musique classique tout à fait adaptée à l’esprit original du ballet. Avec un rythme et des sonorités contemporaines, cette musique accompagne merveilleusement bien la succession des états d’âme du protagoniste. « Il faut en finir. Je l’avoue : je n’aime plus maman. », ce sont là les derniers mots de Poil de Carotte, le rideau tombe, et le ballet « psychologique » se termine sur une note sombre mais humaine. La recherche littéraire et chorégraphique de Fabio Lopez à partir du texte de Jules Renard, nous laisse entrevoir de nouvelles possibilités d’interprétations artistiques.

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