False Colored Eyes

Chorégraphie : Chris Haring

Distribution : Liquid Loft

Musiques : Andreas Berger

ph.Jean Couturier

En entrant dans la salle Firmin Gémier du Théâtre Chaillot, nous remontons le temps et nous rejoignons le milieu underground sulfureux de la Factory de Andy Warhol dans la décennie 60.

La musique du groupe de rock américain The Velvet Undergroundnom d’un ouvrage traitant de sado-masochisme – accompagne la performance de la compagnie Liquid Loft, mais là, pas de démonstrations outrageusement provocantes transformant le spectateur en voyeuriste excité.

Les scènes, filmées à la manière des très courtes séquences des « screen-tests » (films muets signés par A. Warhol) relèvent de selfies pris par les danseurs (qui ne dansent pas) eux-mêmes.

False Colored Eyes s’inscrit dans la série « Imploding Portraits Inevitable » du chorégraphe autrichien  Chris Haring, en allusion aux spectacles de Warhol associant musique, films et performances « Exploding Plastic Inevitable ».

 Nous sommes d’emblée plongés dans un univers de corps que Chris Haring s’est plu à démultiplier grâce à une technologie sophistiquée envahissant le plateau. Dispositifs vidéo, câbles, caméra et micros sur pied sont manipulées avec subtilité par les artistes qui projettent leur captation sur 2 écrans immenses encadrant la scène.

ph.Jean Couturier

Six danseurs créent l’illusion d’une foule agitée par la vie urbaine, croisant des publicités de cosmétiques et la défonce…

Surtout, les images corporelles foisonnent et nous submergent, propices à faire germer quelques fantasmes : corps enlacés, désirants, entravés, caressés, embrassés ; postures lascives, vibrantes de sensualité ou racoleuses ; duos de langues et jeux de jambes ; peau, pores et poils, vue macroscopique intrusive pénétrant un orifice (la bouche) aussi érotique qu’une imagerie médicale ; fragments de corps disponibles et (peut-être) fragments d’amour.

En fait, les rapprochements homo- hétérosexuels ne sont que représentations imagées alors même que les intéressés sont présents sur le plateau, distants l’un de l’autre et sans interaction. Ainsi, la vie qui saisit l’attention du public n’est qu’un monde factice alors que celle – bien réelle et charnelle – s’écoule avec les danseurs paraissant plutôt affairés, solitaires, égarés ou agglutinés en une grappe d’individus dans un coin du plateau.

On est renvoyé à la « société du spectacle » qui s’annonçait où l’apparence et l’égo autocentré comptent plus que la préservation de soi et la relation aux autres. Au choix…

Jocelyne Vaysse

ph.Jean Couturier

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