La São Paulo Dance Company à la Maison de la Danse de Lyon

Cartas do Brasil de Juliano Nunes-ph. Marcelo Machado

La São Paulo Dance Company est de retour en France!

Elle est accueillie par la Maison de la Danse de Lyon, lieu où elle s’était déjà produite en 2016, en 2018 et en 2022.

C’est dire l’honneur  et le plaisir de recevoir à nouveau cette compagnie de danse brésilienne, créée en janvier 2008 par le gouvernement de l’état de São Paulo, très reconnue en Amérique latine, dirigée au plan artistique par Inès Bogéa.

Ex-danseuse de ballet du Grupo Corpo, documentaliste, critique de danse, enseignante à l’Université de Sao Paulo, consultante culturelle, le vaste parcours professionnel de Inès Bogéa a contribué à l’envergure chorégraphique de la compagnie, sans cesse renouvelée et augmentée, aussi bien dans le registre technique allant du style classique au contemporain que dans le registre créatif confié à des chorégraphes renommés, ainsi qu’à la reprise de pièces illustres. Le prix de meilleure compagnie de la saison 2018-2019, attribué à la São Paulo Dance Company par le Syndicat Professionnel de la Critique théâtre, Musique et Danse de Paris à la suite de sa tournée à Chaillot-Théâtre national de la Danse (Paris) témoigne de l’évolution de la troupe.

La compagnie démontre encore ce soir l’étendue de son répertoire, en présentant 4 pièces.

Le programme présenté à la Maison de la Danse de Lyon

La pièce Cartas do Brasil, première création de Juliano Nunes pour la compagnie en 2022, met en scène quatorze interprètes, en justaucorps bleu-grisé, sur la Bachiana Brasileira N° 8 de H. Villa-Lobos.

D’inspiration classique doublée d’une relecture contemporaine, la pluralité des poses académiques, pieds nus, se déclinent dans la perfection des tours, arabesques, pirouettes, déboulés, dans leur précision, dans une vision cinétique et spatiale variée selon les exécutions en duo, trio, ou groupe à l’unisson. Une sorte de mouvance continue et flexible s’installe comme une « volée d’oiseaux », que l’on peut imaginer par la mobilité parfois frémissante des bras, les à-coups secs de la tête, les doigts papillonnants des mains et par l‘adaptation souple des corps prêts à se rejoindre ou se disjoindre dans une incroyable fluidité générale.

Au dynamisme de cette pièce, succède Umbo créée en 2021 par la danseuse et chorégraphe Leilane Teles (de Bahia), intégrant la compagnie à cette occasion.

Elle veut explorer « la création du désir » dans le sens de se sentir être en tant que pris-e dans un devenir en façonnant et en assimilant (ou non) un modèle qui « se répercute sur le corps ».

La pièce démarre avec une certaine lenteur laissant apprécier le balancement voluptueux des bassins et des bustes. Puis le rythme s’accélère et propulse progressivement des grappes d’artistes sur le plateau : les filles font virevolter les jupes colorées, rejointes par les garçons en jupe longue ; les corps s’exposent dans des tenues autres, fille en short court, brassière, petits talons et hommes en pantalon blanc et veste, l’ensemble étant soutenu par des musiques et chants brésiliens.

Au-delà de cette diversité enjouée, les artistes sont réuni-e-s par la virtuosité inventive de leurs figures, par le glissement d’un mouvement formel dans un autre qui s’accomplit, par l’inauguration d’un geste qui se propage au corps de différentes manières, s’accolant à un-e partenaire pour repartir…

Cette mosaïque frénétique et sensuelle inscrit la danse dans une pulsation vivante, trépidante, joyeuse et osée. 

La troisième pièce Partita contraste en affichant une certaine austérité et sophistication. Il s’agit pour la compagnie de la troisième création (2022) de l’américain Stephen Shropshire, chorégraphe et chercheur indépendant multi-primé. Il assume la complexité abstraite de la chorégraphie, la sobriété des costumes (pantalon et T-shirt noirs) et la subtilité des lumières.

Partita de Stephen-Shropshire-ph. Iari Davies

Il s’est inspiré d’un poème traitant d’un tableau du XVIè siècle du peintre flamand Pieter Brueghel l’Ancien représentant « La chute d’Icare ». Ce personnage grec mythique brave la condition humaine et, s’approchant trop du soleil, il voit fondre l’accroche de ses ailes et chute dans la mer, noyade laissant indifférent les paysans locaux occupés aux activités ordinaires (pèche, labour…).

Les dix danseurs seraient les lettres du poème restitué dans une sorte de « calligraphie en mouvement ». Un lecteur observateur, assis en fond de scène, assiste aux évolutions chorégraphiques, accumulant des séquences emplies de pas néo-classiques, de passages glissés au sol, de portés audacieux, d’enchainements entrelaçant des attitudes aussi techniques que superbes.

Ces prouesses dansées sont accompagnées de partitions musicales classiques pour danses traditionnelles (allamande, sarabande et gigue) par Margaret Anne Schedel. 

La pièce scelle le destin d’Icare : d’un attroupement humain enserrant un corps tête en bas émerge deux jambes, figées en l’air, reproduisant la posture d’Icare dans le tableau.

La soirée se termine en apothéose avec la quatrième pièce Só Tinha De Ser Com Você, un « monument » populaire au rythme swingué et jazzy de la bossa nova, à partir d’une création de 2020 de Henrique Rodovalho sur la célèbre chanson. Elle est l’un des titres de l’album « Elis e Tom » sorti en 1974, enregistré par la chanteuse Elis Regina Carvalho Costa (1945-1982) et le compositeur Antônio Carlos Jobim (1927-1994), nommés communément Elis Regina et Tom Jobim.

Joca Antunes-Só Tinha de Ser com Você -ph. Fernanda Kirmayr

Cette mélodie d’amour (traduisible par Ça ne pouvait être qu’avec toi), dégageant nostalgie et joie, envoie sur scène douze interprètes qui surgissent un par un dans des cônes de lumière et qui s’associent dans des chorégraphies chaloupant à l’infini les corps. C’est un florilège d’expressivité libre d’allure contemporaine, gymnique, yogique…, d’ondulations coulées contagieuses, de portés faisant fi de la gravité mais basculant dans des roulades…

L’agilité s’épanouit dans ces tourbillons de gestes et de postures pleins d’énergie, sans répit, habitant les corps jusqu’au salut. Et même le débordant, puisque ce salut se fait en maintenant une petite cadence dansée irrésistible comme si l’emprise rythmique ne pouvait cesser facilement.

Cette soirée brésilienne enthousiasmante transpire la sensualité fébrile ou alanguie des corps et l’élan empathique des âmes, offerts à un public comblé.

Inès Bogéa rejoint ses danseurs sur le plateau lors du salut final. Sous sa direction, la compagnie répond pleinement à l’engagement initial pris en 2008 : « présenter l’héritage du passé mais aussi être connecté au monde d’aujourd’hui ». Ce qui est évident ce soir et qui se poursuit par une grande tournée en France.

La São Paulo Dance Company en tournée en France : 

Bonlieu, Annecy : 19 / 20 / 21 décembre 2023 

Théâtre de Nimes : 14 mai 2024

Théâtre Molière, Sète : 16 et 17 mai 2024

Le Parvis, Tarbes : 21 mai 2024

Espace des Arts, Chalon-sur-Saône : 24 mai 2024

L’Estive, Foix : 28 et 29 mai 2024

L’Archipel, Perpignan : 1 et 2 juin 2024

Domaine de Beyssan Béziers : 4 juin 2024

Lyon, Maison de la Danse, 12 Décembre 2023

Jocelyne Vaysse

 

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