L’école de Danse de Rosella Hightower fête ses 50 ans!

L’Ecole Supérieure de Danse de Cannes fête ses cinquante ans ! Et pour ce rendez-vous, professeurs, anciens élèves, étoiles d’hier et d’aujourd’hui se sont retrouvés pour rendre un hommage chaleureux à Rosella Hightower fondatrice de l’école en 1961 avec Arlette Castanier et José Ferran.

Le gala d’anniversaire fût accueilli au Palais du Festival et, étoiles, danseurs, anciens élèves, ainsi que les chorégraphes Davide Bombana, Claude Brumachon, Benjamin Lamarche furent de la fête. Le Cannes Jeune Ballet eut l’honneur de danser sur leurs créations, Petite Symphonie et Foudre et de reprendre Opus 40 de Jean-Christophe Maillot, directeur du Ballet de Monte-Carlo.

Si, le spectacle a confirmé le bon niveau des jeunes danseurs, il a surtout démontré leur capacité à s’adapter aux différents styles chorégraphiques, l’une des caractéristiques de l’Ecole et preuve de l’excellent travail de sa directrice Paola Cantalupo.

Le foyer du Théâtre Debussy a été le lieu de rencontre, du plus ancien au plus jeune, de tous ceux qui aiment et consacrent leur carrière au développement et à la notoriété de l’ Ecole qui , voilà, a accueilli dans le passé de grands artistes tels Maurice Béjart, Jorge Donne, Rudolf Nureyev.

Nous avons rencontré certains d’entre eux pour évoquer un peu de ce passé si vivant, laissé en héritage et faisant de ce centre de formation l’un des plus prestigieux au plan international.

Claudie Winzer fût l’une des premières à animer la galerie du Théâtre ou étaient exposées pour l’événement des photos de danse. Ancien professeur de danse classique dont la tenue, body et cuissard noir reste dans tous les souvenirs des élèves.

Son visage a gardé son éclat, et semble plus doux sans doute parce qu’elle n’est plus en charge d’enseigner avec l’autorité qu’impose la discipline de la danse classique.

Ses yeux brillent au cours de la projection d’une vidéo des années 70. Elle y revoit Rosella danseuse, Jorge Donne en pleine jeunesse.

Regardez dit elle….Tout cela n’est pas beau ? La danse est l’oxygène de notre vie, un art qui demande beaucoup de grâce, d’élégance et de discipline mais qui nous apprend à être généreux parce que danser c’est aussi donner, donner de soi-même pour transmettre au public nos émotions.

Puis, apparaissent sur l’écran Maurice Béjart en répétition pendant le Festival d’Avignon et Rudolf Noureev, deux de ses grands amis et deux hommes exemplaires à ses yeux. Elle s’émue.

C’est ensuite avec Monique Loudières et Paola Cantalupo, l’ancienne et l’actuelle directrice de l’Ecole que nous revenons à l’activité d’aujourd’hui.

Paola Cantalupo semble très proche de l’esprit de Rosella toute aussi réservée et délicate avec un volontarisme sans faille et une grande ouverture d’esprit.

Monique Lourdière, étoile de l’Opéra de Paris, avait plus l’esprit français et était davantage extravertie.

Le travail de Paola s’attache à perpétuer l’esprit d’origine de cette école.
Rosella avait voulu créer un centre qui dispense un enseignement complet d’un point de vue artistique mais qui devait être dans le même temps, un lieu de vie et de convivialité.
Paola poursuit cette tradition avec un bel enthousiasme.

Ses élèves ont donné de beaux exemples dans le spectacle de fin d’année de l’école et leur avenir de danseurs et d’adultes s’annonce sous de belles qualités même si les attendent les vicissitudes et les aléas du métier.

Réchauffés par les rayons du soleil qui caressaient les larges vitraux du Palais du Festival nous rencontrons Ander Zabala, qui nous fait part de ses différentes expériences artistiques avant d’arriver à Cannes.

 » J’ai commencé à danser en 1983 avec Ion Beitia, ensuite durant une année j’ai travaillé à l’Ecole Mudra de Maurice Béjart puis à l’école du Ballet de Hambourg de John Neumeier. C’est à cette époque, en 1989 qu’un ami, Jann Noiz, me conseilla d’aller me perfectionner à l’Ecole de Rosella Hightower où je suis resté deux ans et démi pour suivre les cours de José Ferran.

Mes souvenirs de ces années sont très positifs, je trouvais les professeurs incroyables. J’ai travaillé la technique bien sûr, mais j’ai pu acquérir une personnalité. Il y avait une grande ouverture d’esprit et surtout j’ai eu la possibilité de m’exprimer en tant qu’artiste, de pouvoir ainsi mûrir et valoriser ma capacité d’expression. Ce travail me demandait un engagement personnel d’importance pour mettre en valeur tout mon potentiel intérieur.

Cette expérience à Cannes fut pour moi très bénéfique quand je suis arrivé au Ballet de Frankfort en 2000. Dans son travail chorégraphique, William Forsythe se focalisait sur l’individu, il nous incitait à être nous même. Le chorégraphe poussait à ses limites le vocabulaire de la danse classique, mais dans le même temps, il recherchait et il avait le goût pour une  » théâtralité singulière « .

Ander Zabala dansera le solo de William Forsythe The Vile parody of Address.

Sa grande taille et sa silhouette longiligne, nous font reconnaître aisément le danseur Giuseppe Chiavarro ancien élève du ESDC, qui a travaillé avec Thierry Malandain au Ballet de Biarritz pendant 17 ans.

 » Etre aujourd’hui présent à cette célébration me touche profondément, Cannes a été ma première scène et aujourd’hui, je reviens sur une scène cannoise presque à la fin de ma carrière. Tous mes souvenirs me reviennent à l’esprit et sont encore bien présents.

Pendant les années passées à l’Ecole, j’étais passionné grâce à la ferveur de tous les professeurs si enthousiastes à nous transmettre leur amour pour la danse.

Cet apprentissage a forgé mon patrimoine artistique et c’est pour cette raison qu’aujourd’hui je suis heureux d’être là et d’offrir au public ce duo de Malandain, Mozart à deux, sur les musiques de Mozart « .

Il donnera au public présent une interprétation remarquable.

Parmi les collaboratrices de Rosella Hightower nous rencontrons Elena Doré, à l’époque

directrice des études. Volubile, elle nous parle avec enthousiasme et nostalgie de sa vie à l’Ecole, de ses années d’amitié et de fidélité avec Rosella Hightower.

 » J’ai connu Rosella parce que j’accompagnais à ses cours de danse ma fille Martine, aujourd’hui pianiste au Conservatoire de Nice. Je lui ai demandé si je pouvais travailler à l’école en donnant des cours d’italien.

Ainsi j’ai commencé mon long parcours à l’école, un lieu particulier où la discipline était très stricte mais où était transmis aux jeunes l’amour pour l’art de la danse. Rosella était une femme de grande générosité, elle aimait beaucoup ses élèves. Je vous raconte une anecdote qui peut vous donner l’idée du rapport de fidélité qui existait entre Rosella et ses collaborateurs. Je travaillais déjà à l’Ecole en tant que directrice d’études, mais, à cause de la grossesse de ma fille, j’ai du quitter l’Ecole pour m’occuper de mon petit fils. Après quelques mois Rosella me rappelle et m’invite à revenir à l’Ecole pour ne plus l’abandonner.

J’ai accepté. Pour faciliter mon retour, elle m’a proposé des horaires flexibles qui me permettaient et de m’occuper de l’enfant et d’exercer mes fonctions « .

Vient le moment de la photo qui immortalisera cet événement : artistes, élèves, chorégraphes, professeurs tous réunis sur les marches du Palais du Festival pour un grand hommage à Rosella.

Au premier rang, Paola Cantalupo, ravissante dans une robe vaporeuse fleurie aux tonalités pastel années 60. Elle nous confesse que pour être dans l’esprit de ces années, elle a choisi une robe de sa mère.

Paola assume aujourd’hui l’héritage de Rosella. Je pense avoir dit-elle, la même ouverture d’esprit. Il est très important pour les danseurs de suivre une formation très diversifiée, ils doivent être capables de se confronter à différents styles, classique (qui reste de même fondamental parce qu’il représente notre tradition inoubliable), contemporaine ; leur vocabulaire et leur préparation artistique doit être nécessairement complète. Cela leur permet aussi d’enrichir leur personnalité et avancer dans une recherche artistique personnelle.

Modernité dans la tradition donc, je crois que cette expression rend bien l’idée de ma méthode de travail. C’est pourquoi, j’ai invité mes amis Davide Bombana (Paola et Davide avaient étudié ensemble à l’Ecole de danse de La Scala de Milan sous la direction d’Anna Prina, présente elle-même à Cannes :  » ils étaient des élèves très intelligents « ) et Jean Christophe Maillot pour créer des chorégraphies pour le Cannes Jeune Ballet.

La formation dans notre Ecole compte sept années de cours, de 11 à 18 ans et après deux ans de formation préprofessionnelle. Nous essayons de transmettre à nos élèves la technique, mais aussi un style de vie qui puisse les faire mûrir pour entreprendre au mieux leur carrière professionnelle.

Davide Bombana est aux côtés de Paola, détendu et souriant, et nous indique que Paola lui a demandé de créer une chorégraphie sur une musique pour orchestre.
 » J’ai donc choisi Petite Symphonie de Franck Martin que j’aime beaucoup. Sa partition, très structurée me charme, elle est jouée par un trio de chambre avec un piano, un clavecin et une harpe. Il s’agit d’une composition instrumentale originale car elle rassemble en plus des instruments traditionnels du trio d’autres instruments. Parfois même cette musique évoque des sonorités modernes du XX siècle. J’ai choisi Petite Symphonie pour une autre raison : elle se caractérise par une sensualité, un dynamisme et un sens du mystère, trois caractéristiques proches et compréhensibles à l’esprit des jeunes. J’ai été heureux de travailler avec cette compagnie, j’ai trouvé le travail intéressant, plaisant, harmonieux et gratifiant car la réponse des jeunes est immédiate, ils s’engagent avec toute leur fraîcheur. Si je dois donner un conseil pour devenir chorégraphe, je peux leur dire d’être toujours curieux, voir des spectacles différents, même s’ils sont aux antipodes, mais surtout d’être capable d’adapter leur style à leur personnalité propre.

Les chorégraphes, Claude Brumachon et Benjamin Lamarche sont aussi présents décontractés, toujours prêts à toucher le public grâce à leur style débordant d’énergie, violent, charnel et tranchant.

 » Nous avons bien travaillé avec ces jeunes, ils ont été receptifs…Pour Foudre, nous avons recrée l’atmosphère d’un orage. Le spectacle s’ouvre avec le tonnerre. C’est vrai, nous avons dû adoucir notre langage chorégraphique surtout parce que nous n’avons pas eu la possibilité de travailler avec eux pour longtemps « .

Stéphane Fléchet fait partie du staff des professeurs, elle enseigne la danse contemporaine.

Et nous fait partager les objectifs de son enseignement.

….  » A mon avis, je considère les élèves d’aujourd’hui meilleurs, la force de notre Ecole est la pluridisciplinarité. Nous professeurs travaillons sous le signe de la parité et de l’ambivalence des styles pour assurer une formation complète. A notre époque cette ouverture est fondamentale, les compagnies professionnelles sont de plus en plus exigeantes donc nous devons nous adapter. Le danseur doit être capable de passer du classique au contemporain à l’improvisation
Pour cette raison dans le cadre de mes enseignements, je prévois aussi un atelier de composition où le futur professionnel puisse exercer et mûrir son esprit créatif à fin de forger sa propre gestualité.
J’aime parler d’ailleurs, d’éthique du danseur.
Je suis convaincue que les trois qualités demandées aux danseurs d’aujourd’hui soient justement d’avoir une bonne technique classique, de s’adapter et interpréter le contemporain et d’être créatifs. J’incite également mes élèves à regarder beaucoup de spectacles et quand ils me parlent de vouloir participer à une audition, je les exhorte à comprendre le style du chorégraphe en se demandant s’ils le  » sentent « , c’est-à-dire s’ils sont prêts à danser et à s’intégrer dans la compagnie pour y apporter leur contribution « .

Quant à la question sur l’évolution de la danse contemporaine de nos jours elle nous répond

 » La danse contemporaine a vécu son époque d’or dans les années 1980-2000, elle était très riche et elle nous a apporté beaucoup de nouveautés. Je pense que maintenant elle a perdu le contact avec l’être humain, elle se refuge souvent derrière une gestualité formelle, néanmoins il faut avoir du respect pour le public.
La danse contemporaine doit encore être capable de transmettre des émotions et parler un langage humain « .

Autre rencontre émouvante, celle avec la co-fondatrice de l’école, Arlette Castanier, décorée à cette occasion de la médaille d’or de la ville de Cannes et accompagnée par son ami Gérard Ferry. Elle n’a plus sa motorette avec laquelle elle se rendait aux studios du Gallia, dans le quartier de la Californie mais, conserve sa belle énergie

 » Quoi dire de Rosella et de mes années passées avec elle ? J’ai beaucoup de souvenirs, des milliers. La seule chose que je tiens à confirmer c’est que jamais nous ne nous sommes disputées. Rosella nous faisait pleine confiance et elle nous respectait beaucoup. Chacun de nous travaillait avec beaucoup d’amour et générosité, elle ne discutait aucunement nos méthodes d’enseignements et nos choix. Je dois encore remercier le Marquis de Cuevas qui grâce à ses tournées en Europe a donné la possibilité à Rosella de découvrir la France et Cannes. Elle est tombée amoureuse de cette ville….

Le quotidien était extraordinaire, confirme son ami. C’est ça qui rendait l’Ecole un lieu unique et magique « .

C’est l’heure du spectacle, tous les invités prennent leur place, les rideaux se lèvent pour laisser la parole à la danse…Il y a juste un prologue. La fille de Mme Hightower, Monet Robier entre sur scène et évoque ce passé bien vivant, un solo de reconnaissance surtout pour tous ceux qui ont les  » cheveux gris ou teintes… « . Avec ironie et théâtralité elle détend le public. Le spectacle se poursuit laissant s’échapper les émotions grâce aux performances des artistes et pour finir comme dans toutes les célébrations familiales, un dîner de gala chaleureux, pour se dire au revoir et continuer cette aventure de danse.

On y danse encore après au Casino du Palm Beach, pour tous ceux qui ont voulu poursuivre cette soirée en musique, on danse toujours !

Merci Rosella !

Cannes, 25 Avril 2011

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